Airbus Helicopters obtient 39,8 millions de dollars pour soutenir cinq UH-72A de la Marine américaine à Patuxent River, Maryland.
Un contrat stratégique pour Airbus sur le marché militaire américain
Le 1er juillet 2025, Airbus Helicopters Inc. a annoncé l’obtention d’un contrat de 39,8 millions de dollars (environ 37 millions d’euros) émis par la Marine américaine. Ce contrat prévoit la fourniture de services logistiques complets pour une flotte de cinq hélicoptères UH-72A Lakota stationnés à la United States Naval Test Pilot School (USNTPS) de Patuxent River, dans l’État du Maryland.
Le contrat porte sur une durée de cinq ans, avec plusieurs volets : maintenance préventive et corrective, fourniture de pièces de rechange, documentation technique, support logistique intégré, et formation du personnel de maintenance. Il ne s’agit donc pas d’un simple contrat d’entretien, mais d’un paquet technique global. L’objectif est d’assurer la disponibilité opérationnelle continue des appareils dans un contexte d’entraînement intensif.
L’UH-72A est dérivé du H145 d’Airbus, un hélicoptère léger biturbine qui a remplacé plusieurs plateformes vieillissantes dans l’arsenal des forces américaines depuis 2006. Il est principalement utilisé par l’US Army, mais une petite flotte est aussi opérée par la Navy pour la formation des pilotes d’essai. Les hélicoptères concernés à Patuxent River sont utilisés pour les programmes avancés de qualification au vol en hélicoptère, avec des cadences de vol très soutenues.
Ce contrat confirme la présence croissante d’Airbus dans les marchés militaires nord-américains. En sécurisant une mission critique sur une base aussi stratégique que celle de Patuxent River, le constructeur européen montre sa capacité à s’insérer durablement dans le tissu industriel de la défense américaine, un environnement pourtant historiquement dominé par Sikorsky, Bell ou Boeing.
Un soutien logistique à haute valeur opérationnelle
Les cinq UH-72A Lakota concernés par le contrat sont utilisés par l’US Naval Test Pilot School, qui forme chaque année près de 70 pilotes d’essai, ingénieurs navigants et officiers systèmes pour les différentes branches des forces armées américaines. Ces appareils volent selon des profils complexes, souvent à la limite des capacités techniques autorisées, dans le but de valider des scénarios extrêmes. Cela implique une usure accélérée des cellules et des composants, et nécessite une disponibilité mécanique supérieure à la moyenne.
Le contrat signé avec Airbus Helicopters Inc., filiale américaine du groupe européen Airbus, comprend la mise en place d’un système de maintenance sur site, avec des techniciens intégrés à la base de Patuxent River. En parallèle, Airbus doit garantir la livraison sous 72 heures de pièces critiques depuis son centre logistique de Grand Prairie, Texas. La documentation technique doit également être mise à jour en continu, conformément aux exigences du Department of Defense (DoD).
Le coût annuel de ce contrat avoisine 7,9 millions de dollars, soit 7,3 millions d’euros, ce qui représente un niveau d’engagement logistique conséquent pour une flotte réduite. Ce chiffre s’explique par l’intensité des vols, mais aussi par la complexité réglementaire imposée à tout vol en hélicoptère militaire sur sol américain. Les inspections périodiques y sont plus fréquentes et plus strictes qu’en exploitation civile.
Cette collaboration met en lumière le degré de confiance accordé à Airbus par le Pentagone, dans un domaine où la fiabilité et la capacité à livrer en temps réel sont prioritaires. Elle positionne aussi l’UH-72A, pourtant considéré comme un appareil de soutien secondaire, comme une plateforme pédagogique clé dans la formation aérienne avancée des forces américaines.
Une consolidation stratégique sur le sol américain
L’implantation d’Airbus aux États-Unis n’est pas récente, mais ce contrat marque une nouvelle étape dans la stratégie du groupe. Depuis le lancement de la production du UH-72A à Columbus, Mississippi en 2006, Airbus Helicopters a livré plus de 480 unités de ce modèle à l’US Army National Guard, à l’Army Aviation Center of Excellence de Fort Rucker, ainsi qu’à plusieurs agences fédérales. Le modèle a aussi été utilisé ponctuellement par le Customs and Border Protection pour des missions de surveillance.
Le contrat de Patuxent River prolonge cette dynamique. Il permet à Airbus Helicopters Inc. de consolider sa base de services techniques dans un secteur stratégique, tout en renforçant son image de partenaire fiable auprès du DoD. Ce positionnement est crucial dans le contexte de la compétition pour les futurs marchés de modernisation, notamment dans les domaines du soutien à la formation, des appareils de liaison, ou des solutions logistiques héliportées.
Ce contrat de 39,8 millions de dollars s’ajoute aux 3,1 milliards de dollars (2,9 milliards d’euros) de commandes cumulées par Airbus aux États-Unis depuis 2010 sur les seules plateformes UH-72A et UH-72B. Il faut noter que malgré son origine européenne, l’UH-72A est qualifié comme produit Buy American Compliant, car il est assemblé aux États-Unis avec plus de 60 % de composants d’origine américaine. Cela permet à Airbus de contourner les barrières protectionnistes qui empêchent souvent l’entrée de fournisseurs étrangers sur les marchés publics de la défense.
La stratégie industrielle d’Airbus repose sur un double ancrage : implantation locale pour satisfaire les obligations fédérales, et maintien du savoir-faire européen pour garantir le cycle de développement technique. Cette approche hybride permet de sécuriser des contrats militaires dans des environnements réglementaires fermés, sans renoncer à la maîtrise de l’ingénierie initiale.

Une compétition féroce dans le segment des hélicoptères légers
Si le contrat de Patuxent River est significatif pour Airbus, il s’inscrit aussi dans un contexte concurrentiel très tendu. Le marché américain des hélicoptères légers militaires est dominé par Bell (avec le TH-67 Creek) et Sikorsky (avec le S-70i Black Hawk), deux constructeurs intégrés dans l’écosystème industriel américain depuis des décennies. Pour Airbus, chaque appel d’offre représente une bataille, non seulement technique, mais aussi politique.
Le soutien logistique aux appareils en service est devenu un levier d’influence stratégique. Fournir un vol en hélicoptère fiable à des pilotes d’essai n’est pas seulement une question de sécurité, mais aussi une manière de façonner la perception technique des futurs décideurs militaires. En formant les cadres de demain sur des plateformes Airbus, le groupe européen augmente mécaniquement ses chances de voir ses produits retenus dans les appels d’offre futurs.
Dans les années à venir, plusieurs programmes clés sont attendus aux États-Unis, notamment le remplacement progressif des plateformes de liaison et de formation utilisées par la Navy et la National Guard. Airbus espère que les performances du UH-72A dans le cadre de ce contrat ouvriront la voie à de nouveaux marchés, notamment dans les secteurs de l’entraînement avancé, du soutien logistique interbases, ou du transport tactique léger.
Mais les obstacles restent nombreux. L’environnement politique américain, les clauses Buy American, et les rivalités technologiques avec les grands industriels locaux limitent les marges de manœuvre. Le moindre défaut de livraison ou de service peut remettre en cause une relation contractuelle. Airbus n’a donc pas droit à l’erreur. Ce contrat, s’il est exécuté avec rigueur, pourra cependant constituer un atout de crédibilité important dans la compétition internationale des constructeurs d’hélicoptères militaires.
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