Pourquoi les biturbines consomment‑elles plus que les monomoteurs

helicoptere biturbine

Analyse technique des raisons pour lesquelles les hélicoptères biturbines brûlent davantage de carburant sur missions courtes.

Le choix entre hélicoptère monomoteur et biturbine repose souvent sur des critères de sécurité, performance, coût et consommation. Pourtant, sur missions courtes, les biturbines ont tendance à consommer plus que les monomoteurs. Ce constat surprend des exploitants habitués à valoriser la redondance moteur. Comprendre cette réalité exige d’analyser la physionomie des phases de vol, les régimes moteur, le poids à vide, les cycles de montée et descente, la fiabilité du système FADEC, et les spécificités des turbomoteurs.

La structure technique des moteurs et ses effets

Les hélicoptères biturbines utilisent deux turbomoteurs conçus pour offrir puissance de secours, poussée maximale et performance en montée. En revanche, cette architecture introduit des pertes spécifiques sur de courts vols. Le rendement thermodynamique des turbomoteurs est optimal en régime continu de croisière. Lors d’une mission courte (vol de 10 à 30 minutes), la phase de montée consomme un pourcentage élevé du carburant total. Par exemple, un Airbus H135 (Hélicoptère biturbine léger), avec deux moteurs Turboméca Arrius 2B2 ou Pratt & Whitney PW206B2, consomme environ 200 kg/h de carburant total, soit plus si vol en altitude ou en chaud. Un monomoteur comparable, comme l’Airbus H125, consomme environ 150 kg/h, ce qui représente une économie de 25 % dès les premières minutes de vol. Sur un vol de 20 minutes, la différence atteint 25 kg de kérosène, soit ≈ 35 € selon prix de marché à 1,50 €/kg.

Sur une courte mission type navette urbaine, le biturbine démarre deux moteurs, chacun passant par le mode poussé pour la montée, doublant la consommation au décollage. Il opte souvent pour un régime de croisière élevé (afin d’assurer réserve et sécurité). Résultat : perte d’efficacité en distance parcourue par kg carburant. Le monomoteur, en démarrage unique, passe plus rapidement en régime optimal, réduit la consommation au sol, et reste plus efficace sur les phases bas régime et approche.

L’impact du poids, charge utile et masse à vide

Un engin biturbine embarque deux moteurs, deux circuits hydrauliques, deux FADEC, deux réservoirs et redondance pour tous les systèmes critiques. Cela alourdit la masse à vide de 300 à 600 kg comparé à un monomoteur équivalent. Cette surcharge induit une consommation accrue dès le décollage. Sur le cas du H135 vs H125, la charge utile ajoutée par les systèmes redondants réduit l’efficacité énergétique, et même avec un taux de consommation spécifique similaire (SFC), le biturbine brûle plus à charge égale. L’effet est amplifié sur mission courte où la proportion de masse à vide dans le poids total est plus élevée.

Le pilotage, FADEC, et régimes inefficaces

Les biturbines modernes sont tous équipés de système FADEC (Full Authority Digital Engine Control). Ce système est très utile pour équilibrer les deux moteurs, assurer sécurité et performance. Mais sur mission courte, le FADEC peut maintenir les moteurs à un régime légèrement surdimensionné pour accroître la marge de puissance utile. Cette précaution se traduit par une consommation toujours proche du maximum dès la montée. On note que certains opérateurs tentent la mise en veille d’un moteur en croisière (single engine cruise). Des études indiquent qu’il est possible de réduire la consommation de 25 à 40 % en n’utilisant qu’un moteur, si l’enveloppe de vol le permet (altitude, vitesse, poids). Toutefois, cette manœuvre n’est pas systématiquement autorisée en certificats civils ou en conditions urbaines ou survol d’obstacles.

Illustrations par cas concret

Considérons une mission urbaine de 40 km. Le biturbine H135 réalise montée+croisière+descente en 25 minutes, consomme ≈ 85 kg. Le monomoteur H125 réalise le même parcours en 25 minutes pour ≈ 65 kg. Tant que le vol reste en-dessous de 30 minutes, l’écart de consommation reste biaisé en défaveur du biturbine. Si le vol dépasse 60 minutes, la courbe s’inverse légèrement car la consommation spécifique en croisière du biturbine devient comparable, la montée représentant une proportion plus faible, et la capacité réservoir plus grande permettant optimisation du régime.

Autre exemple, mission offshore courte : biturbine construit pour performance en mer (sécurité moteur), mais sur vol de 50 minutes, en conditions chaudes, chaque moteur peut consommer 120 kg/h chacun, total 240 kg/h. En comparaison un monomoteur de catégorie similaire consomme 160 kg/h, soit une économie de 80 kg, équivalent à environ 120 € de carburant.

Conséquences pour les opérateurs

Il faut être frontal sur la réalité : le biturbine est souvent imposé pour raisons réglementaires ou d’opérations particulières (vol de nuit, survol d’eau, surcharge, réglementation classe A EASA), mais sur missions courtes répétées, la consommation accrue peut rendre le coût opérationnel prohibitif. Dans certains cas, l’exploitant ferait mieux d’utiliser un monomoteur fiable, moderne, certifié, plutôt que de subir un surcoût carburant systématique. Il faudra aussi prendre en compte maintenance, révisions deux moteurs, et durée de vie FADEC. Le bilan comparatif doit intégrer coût à l’heure, consommation réelle, et exigences réglementaires pour vol urbain ou VFR/IFR.

La consommation supérieure des hélicoptères biturbines sur missions courtes provient principalement de phases de montée prolongées, de poids à vide plus élevé, de régimes moteurs conservateurs induits par FADEC, et de l’absence d’exploitation à régime unique en croisière. Le monomoteur reste plus économe dès que la mission n’exige pas les garanties de redondance. Les spécialisations doivent considérer ces données chiffrées, calculer coûts réels par mission et ajuster choix d’appareil en fonction de la durée typique, du prix du carburant, du besoin de performance ou des contraintes réglementaires.

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HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère