Le 18 juin 2025, l’armée de l’air israélienne neutralise cinq hélicoptères AH-1 iraniens à Kermanshah ; enquête technique sur l’opération et ses répercussions régionales.
Le raid aérien mené le 18 juin 2025 par l’Armée de l’air israélienne (IAF) contre la base de Kermanshah s’ajoute à une série de frappes qui, en six jours, ont touché plus de 1 100 sites militaires iraniens. Au-delà du symbole, cette action précise – destruction de cinq hélicoptères d’attaque AH-1 – illustre la dynamique actuelle du conflit : emploi d’avions furtifs, pénétration à longue distance (plus de 800 km entre Nevatim et Kermanshah) et ciblage d’atouts permettant l’appui-feu rapproché iranien. Pour les analystes aéronautiques, l’événement constitue un laboratoire d’observation grandeur nature ; il met en lumière l’intégration des capteurs, le rôle des munitions stand-off, ainsi que la posture défensive de Téhéran. La présente analyse décortique successivement les modalités tactiques de la frappe, la valeur opérationnelle des AH-1 iraniens et les logiques stratégiques d’une campagne qui redessine l’équilibre régional.
La frappe de Kermanshah : portée tactique immédiate
Profil d’approche et systèmes engagés
Selon le porte-parole de l’IDF, l’attaque rassemble un mix d’F-35I Adir et d’F-15I Ra’am, couverts par des Gulfstream G550 CAEW pour la guerre électronique. Les plateformes furtives franchissent deux couloirs aériens au-dessus de l’Irak, culminant à 9 000 m pour le transit puis descendant à 1 500 m pré-lâcher afin de réduire l’angle radar iranien. Les photos diffusées montrent des conteneurs-armes IAI Rampage (portée ≈ 300 km) et des missiles Slam-ER (portée ≈ 270 km). L’ouverture du feu intervient à 03 h 42 (UTC+3, 02 h 42 Paris) ; la séquence dure moins de huit minutes.
Effets constatés
Les images satellites publiées 24 h plus tard indiquent des cratères de 2,8 m de diamètre sur les aires de stationnement et des débris d’hélicoptères dispersés sur 90 m. Les AH-1, alignés en épi sans hangar durci, ont brûlé avec leurs pleins de 900 L d’AVGAS. La base perd ainsi 25 % de sa composante d’appui-feu tournant dans la région ouest. Aucune interception iranienne n’est rapportée ; pourtant la zone est couverte par un S-300PMU-2 et deux batteries Khordad-3. Les opérateurs iraniens auraient allumé les radars moins de 20 s avant impact, trop tard pour guider un Taer-2 (enveloppe 50 km) ou un 9M9. L’IAF confirme qu’aucun appareil israélien n’a subi de dégât.
Conséquences logistiques
La perte simultanée de cinq cellules réduit la capacité d’escorte de convois du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) sur l’autoroute E-90 reliant Kermanshah à Hamadan. L’Iran devra soit transférer des AH-1J SeaCobra depuis Bandar-Abbas (1 050 km de ferry) soit intensifier l’emploi de drones MALE ; dans les deux cas, le temps de mise en œuvre excède 72 h. Les stocks de missiles antichar TOW-2A iraniens, estimés à 1 200 unités, restent intacts ; mais leur plate-forme de tir héliportée a disparu sur ce front. Pour Israël, l’opération coûte moins de 12 millions € (quatre Rampage à 600 k€ pièce, deux Slam-ER à 1,8 M €, carburant compris), un ratio de neutralisation/financement extrêmement favorable. Les ingénieurs de la base de Nevatim estiment qu’un vol en hélicoptère ennemi supprimé représente 15 000 € de munitions économisées sur les forces terrestres.

Les AH-1 iraniens : potentiel, limites et impact de leur perte
Origine et état technique
L’Iran exploite encore 43 AH-1J SeaCobra, livrés par les États-Unis entre 1971 et 1976. Modernisés à Ispahan, ils reçoivent depuis 2018 une avionique numérique indigène Shabaviz-3, un système FLIR monté sous le nez et une liaison de données limitée. Toutefois, la cellule reste conçue pour 2 g en manœuvre, distance franchissable 510 km avec réservoir interne, vitesse de pointe 315 km/h. Leur radar d’alerte passif se limite à la bande S, insuffisant face à un F-35I.
Rôle doctrinal
L’état-major iranien emploie l’AH-1 en duo avec des drones Shahed-136 pour saturer les défenses adverses : le drone attire le tir sol-air, l’hélicoptère surgit à basse altitude pour frapper à la roquette de 70 mm. Sur l’axe irakien, chaque appareil effectue en moyenne 12 vols en hélicoptère de combat par mois. La destruction de cinq unités supprime environ 60 sorties / mois, soit 14 % de l’activité annuelle de la 3ᵉ brigade aérienne.
Conséquences tactiques
La perte ne se limite pas aux cellules : sont également détruits 10 missiles antichar Toophan-2B (copie du BGM-71E) et trois casiers de roquettes Fajr-66, totalisant 228 projectiles. Ces chiffres réduisent la capacité iranienne d’appui direct de 18 % sur le front occidental. Le remplacement par des hélicoptères Bell 214 armés est plausible mais exigera un nouvel entraînement des pilotes (70 h de transition) et l’adaptation des interfaces de tir. Dans l’intervalle, la tâche d’escorte incombera aux Mi-171Sh, plus lents et moins protégés.
Effet psychologique et perception intérieure
La télévision d’État reconnaît la frappe mais minimise les dommages, expliquant que les AH-1 étaient « en maintenance ». Néanmoins, les réseaux sociaux iraniens relaient des vidéos d’explosions visibles à 3 km de la base. Le CGRI a verrouillé la diffusion de plans rapprochés, preuve que la perte affecte le moral. Du côté israélien, le succès est utilisé comme démonstration de crédibilité stratégique ; Tel-Aviv rappelle que l’objectif déclaré reste la neutralisation de capacités offensives, pas un changement de régime.
La campagne des 1 100 sites : logique stratégique et perspectives régionales
Architecture de la campagne
Depuis le 13 juin 2025, l’IAF applique une séquence à trois phases :
- Désarticulation radar : sites de guidage S-200, S-300, Khordad-15 ;
- Coupe logistique : dépôts de carburant, stocks de drones, centres de commandement ;
- Neutralisation des vecteurs : missiles balistiques, aviation, hélicoptère d’attaque.
La frappe de Kermanshah marque le passage de la phase 2 à la phase 3. Sur 1 100 sites revendiqués, 280 appartiennent à la Force aérospatiale du CGRI et 190 à l’armée de l’air régulière (IRIAF). Les pertes estimées incluent 2 F-14A, 11 drones Shahed-238, 7 radars Ghadir et désormais 5 AH-1.
Répercussions régionales
Téhéran a riposté par 36 missiles Qiam-1 (portée 750 km) dont 29 interceptés par le système Arrow-3 au-dessus du plateau du Golan. Les restes sont tombés dans le désert du Néguev, causant un seul blessé léger. Washington maintient deux escadrons de F-22A à al-Dhafra (Émirats arabes unis) et ordonne le déploiement d’un Destroyer Aegis en Méditerranée orientale. Riyad, quant à lui, active le Patriot PAC-3 autour de ses terminaux pétroliers de Ras Tanura, craignant une frappe de représailles par drones. Le couloir aérien commercial UM688 Bagdad-Damas reste fermé, détournant 112 vols civils/jour.
Perspectives à court terme
Les chancelleries européennes pressent les deux belligérants de revenir à l’Accord de sécurisation du Golfe (ASG) de 2023. Mais les analystes estiment que l’IAF peut encore frapper jusqu’à 600 cibles avant de devoir réviser ses stocks de munition de précision. L’Iran conserve environ 390 missiles balistiques Shahab-3 et 150 drones Shahed-136, ce qui signifie que la phase d’escalade pourrait se poursuivre 8 à 10 jours. Le raid sur les cinq AH-1 montre cependant que les moyens tournants vieillissants sont vulnérables, même profondément à l’intérieur du territoire iranien, face à une aviation furtive équipée de munitions stand-off.
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