Wellington opte pour l’hélicoptère naval Sikorsky MH-60R pour remplacer ses Kaman SH-2G(I). Un paquet estimé à 1 milliard € pour cinq appareils, préféré au Leonardo AW159.
La décision et sa portée stratégique
La Nouvelle-Zélande a désigné le Sikorsky MH-60R Seahawk comme option privilégiée pour remplacer sa flotte de Kaman SH-2G(I) Super Seasprite. Le gouvernement a inscrit au budget environ 2 milliards NZD (près de 1,1 milliard €) pour l’acquisition de cinq hélicoptères via la procédure américaine Foreign Military Sales. L’annonce acte un virage capacitaire clair : recherche d’interopérabilité avec l’Australie et les États-Unis, robustesse des chaînes de soutien, et montée en gamme des capteurs et armements embarqués. Les autorités ont ouvert les discussions formelles et visent une décision finale en 2026, en cohérence avec la Defence Capability Plan et l’objectif de fiabiliser les moyens navals.
Ce choix intervient alors que la flotte actuelle compte huit SH-2G(I), dont seulement cinq seraient régulièrement opérationnels. L’écart de génération entre le Seasprite et le Seahawk, comme la difficulté croissante à maintenir des disponibilités élevées, pèsent dans l’arbitrage. Le MH-60R, déjà utilisé par la Royal Australian Navy, promet des synergies immédiates en entraînement, pièces et doctrine d’emploi.
Le cadre concurrentiel et la préférence exprimée
Le projet de remplacement d’hélicoptères maritimes avait suscité l’intérêt de trois offres : MH-60R, AW159 Wildcat de Leonardo et NH90 NFH en configuration « NATO Frigate Helicopter ». Wellington a finalement écarté un appel d’offres complet pour privilégier une négociation d’État à État avec Washington. Le Leonardo AW159 a été étudié : plus compact et plus léger, il offre un bon rapport capacité/empreinte sur les navires de taille moyenne. Mais la cohérence ANZAC (avec l’Australie) et la profondeur du soutien logistique mondial du MH-60R ont emporté la décision politique et opérationnelle.
Les performances du MH-60R et le saut capacitaire attendu
Le MH-60R est un hélicoptère de lutte anti-sous-marine (ASW) et anti-surface (ASuW) conçu pour l’embarquement. Il affiche une masse maximale au décollage d’environ 10 660 kg (23 500 lb), une vitesse maximale de 180 kt (333 km/h) et un rayon d’action d’environ 470 nm (870 km) selon les profils de mission. Sa cellule est motorisée par deux GE T700-GE-401C et optimisée pour les opérations par mer formée, avec dégagements de pont fréquents et manutentions intensives.
Le « Romeo » embarque une suite capteurs de référence : radar AN/APS-153(V) à modes multiples (détection de surface, ISAR), sonar trempé AN/AQS-22 ALFS, boule optronique EO/IR, mesures de soutien électronique (ESM) et liaisons de données tactiques (dont Link 16). En armement, l’architecture intègre typiquement des torpilles Mk 54 et des missiles AGM-114 Hellfire pour le traitement des menaces navales proches, avec possibilité d’évolution vers d’autres effets (roquettes guidées, paniers sonobuoys, etc.). L’ensemble apporte un gain de portée de détection, une fusion de données plus aboutie et une capacité d’engagement crédible contre sous-marins et bâtiments de surface.
L’écart avec le Seasprite et la logique de modernisation
Le SH-2G(I) Super Seasprite néo-zélandais culmine à environ 6 440 kg (14 200 lb) au décollage, pour une vitesse voisine de 130 kt (241 km/h), un rayon d’environ 275 nm (509 km) et une endurance d’environ 2 h 45. S’il a rendu de grands services (surveillance, lutte ASM/ASuW, recherche et sauvetage), la plateforme arrive en fin de potentiel. Le passage au MH-60R accroît la fenêtre météo exploitable, la résilience en opérations de pont et la masse d’équipements emportée : capteurs de dernière génération, treuil et kits SAR, liaisons et radios sécurisées, sans pénaliser la sécurité des vols.
Au chapitre maintenance, la chaîne Seahawk offre une profondeur d’approvisionnement largement supérieure, des intervalles de visite optimisés et un HUMS avancé (Health & Usage Monitoring System) : autant d’atouts pour relever durablement le taux de disponibilité et lisser les coûts.
Le comparatif AW159 : gabarit compact contre polyvalence lourde
Le Leonardo AW159 se distingue par son empattement réduit et sa masse maximale de 6 050 kg, avec une vitesse de croisière d’environ 143 kt (264 km/h), un rayon de l’ordre de 280 nm (518 km) et une endurance proche de 3 h. Il peut recevoir un radar AESA 360°, un sonar trempé et une panoplie d’armes (torpilles, missiles antinavires, roquettes guidées). Sur des navires de moindre tonnage, son agilité et sa signature réduite sont des avantages. Mais pour la Nouvelle-Zélande, la polyvalence embarquée du MH-60R sur frégates et patrouilleurs hauturiers, conjuguée à la communauté d’équipements avec les alliés, a pesé davantage que le bénéfice dimensionnel du Wildcat.
L’interopérabilité et la chaîne de soutien comme critères décisifs
Le vol en hélicoptère depuis une frégate exige un écosystème complet : procédures communes, formation, simulateurs, pièces, bancs d’essai, rétrofits logiciels, documentation technique harmonisée. En adoptant le MH-60R, Wellington rejoint un club d’utilisateurs robuste (États-Unis, Australie et plusieurs marines alliées), avec échanges d’expérience constants et économies d’échelle. La proximité de l’Australie – déjà dotée d’une flotte significative de « Romeo » – renforce la mutualisation possible du MCO, la disponibilité de formateurs et l’accès à une capacité industrielle régionale pour les réparations et révisions.
Les impacts opérationnels pour la Royal New Zealand Navy
L’arrivée de cinq MH-60R permettra d’embarquer sur les frégates ANZAC-class une capacité ASM/ASuW plus réactive. Avec un radar performant, un sonar trempé profond et des liaisons tactiques standard OTAN, les équipages gagneront en portée de détection et en qualité de classification des pistes. En lutte anti-surface, la combinaison capteurs + Hellfire autorise des coups d’arrêt à courte et moyenne distance, utile en opérations de police des pêches, de protection des SLOC ou de sécurité maritime dans le Pacifique Sud.
Sur le volet SAR/MEDEVAC, la puissance disponible et la tenue au vol stationnaire à masse élevée améliorent les marges en treuillage, notamment par fortes températures ou par mer dégradée. La cabine et l’électronique du hélicoptère facilitent l’intégration de kits médicaux, de projecteurs longue portée et de capteurs EO/IR performants pour les recherches nocturnes.
Le financement, le calendrier et la gouvernance du risque
Le gouvernement a cadré un paquet d’environ 2,7 milliards NZD pour les MH-60R et deux Airbus A321XLR, substitution des Boeing 757 vieillissants. Sur cette enveloppe, la part hélicoptères est estimée autour de 2 milliards NZD (≈ 1,1 milliard €), incluant appareils, pièces, formation initiale, outillages et premières années de soutien. Les négociations FMS préciseraient lot par lot : cellules, moteurs, capteurs, torpilles Mk 54, munitions air-surface, simulateurs, documentation et logistique.
Le jalon décisionnel 2026 laisse le temps de sécuriser l’architecture mission, d’aligner les interfaces navire-aéronef (pont d’envol, hangar, manutention), et d’établir un plan de transition depuis le SH-2G(I), afin d’éviter un « trou capacitaire ». Côté formation, un pipeline d’équipages sera monté avec des stages d’instruction en unité et des simulateurs dédiés, tandis que les techniciens basculeront vers des procédures MRO Seahawk spécifiques.
Les limites et les opportunités à moyen terme
La flotte réduite à cinq hélicoptères impose une gestion fine des disponibilités et une priorisation des missions. La Nouvelle-Zélande maximisera la valeur par : une planification serrée des arrêts techniques, l’usage intensif du HUMS pour passer en maintenance conditionnelle, et la mutualisation avec les partenaires régionaux (échanges de pièces, soutien industriel, retours d’expérience). À l’inverse, la standardisation avec l’Australie ouvre la porte à des exercices conjoints plus compliants, à une capacité de détachement croisé et à des achats groupés de rechanges ou d’upgrades.
Au plan capacitaire, l’adoption du MH-60R prépare l’intégration de futurs capteurs (par exemple modernisation sonar ou radar, MAD complémentaire), l’évolution des liaisons de données, et la mise à niveau des contre-mesures. La cellule et la chaîne avionique du Seahawk offrent une réserve de croissance connue, déjà éprouvée dans plusieurs marines.
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