La Norvège achète neuf hélicoptères HH‑60W « Whiskey » à Sikorsky pour 2,6 Md €, avec radar, ravitaillement en vol et capacités anti‑navires.
Le constructeur Sikorsky, filiale de Lockheed Martin, vient de signer un contrat de 2,3 Md € (2,6 Md \$) avec la Norvège. Ce programme prévoit la livraison de neuf hélicoptères de type HH‑60W Jolly Green II, surnommés « Whiskey », adaptés aux missions de combat search and rescue et dotés d’un radar embarqué, d’un système de ravitaillement en vol et d’équipements anti‑navires avancés. Ce contrat constitue la première vente export de ce modèle. Les livraisons potentielles s’ajoutent aux six MH‑60R Seahawk acquis en 2023. Ce choix répond au besoin norvégien de renforcer ses capacités aériennes en Arctique. Le contrat inclut également vingt‑deux moteurs T‑700, systèmes GPS/INS, capteurs de menace, contre‑mesures chaff et flare, armement machine guns, équipements d’électronique de guerre, support logistique complet et formation. Il fait suite à l’approbation formelle du Foreign Military Sale par le département d’État américain en juillet 2025. Le contexte inclut des difficultés antérieures de Sikorsky sur d’autres programmes comme le CH‑148 Cyclone pour le Canada. Pour la Norvège, cette acquisition s’inscrit dans une stratégie nationale orientée vers une meilleure autonomie dans les opérations de sauvetage, de défense maritime et d’interventions spéciales. L’article propose une analyse technique et stratégique du modèle Whiskey, son intégration dans la défense norvégienne, ses capacités radar, l’intérêt du ravitaillement en vol, et l’impact sur l’industrie hélicoptériste en Europe.
Le modèle Whiskey : description technique approfondie
L’HH‑60W Jolly Green II, dérivé du célèbre UH‑60 Black Hawk, se distingue par un ensemble d’améliorations techniques significatives. Portée maximale de 840 km (≈ 450 nm) grâce à une sonde de ravitaillement en vol, permettant des opérations prolongées dans l’Arctique sans escale. Capacité radar AN/APR‑52 intégrée pour la détection de menaces aériennes, couplée à un système de contre‑mesures AN/AAR‑57 dispensant chaff et flare en cas d’attaque par missile. La cellule bénéficie d’un blindage renforcé, et des capteurs de tir hostile détectent automatiquement les systèmes tirants depuis le sol. L’électronique GPS/INS embarquée (EGI) permet une localisation précise en environnement dégradé ou hors couverture GPS. L’armement standard inclut une mitrailleuse GAU‑21 de calibre .50. Le rotor et la transmission sont renforcés pour tolérer des conditions météo extrêmes. Le poids maximum au décollage atteint 4 450 kg, permettant une charge utile accrue. Comparé à l’HH‑60G, le Whiskey offre une meilleure résilience aux tirs, une endurance supérieure et une modularité accrue avec des consoles d’armement et des interfaces électroniques standardisées. Pour un pays comme la Norvège, avec ses fjords et zones polaires, ces caractéristiques sont vitales pour des missions de sauvetage en mer, de soutien aux opérations navales ou de projection rapide dans des zones isolées. Les capacités d’emport de carburant interne et externe augmentent la flexibilité des scénarios.
Le cadre stratégique et économique du contrat
La Norvège a activé le processus FMS (Foreign Military Sale) américain en juillet 2025, validant l’achat de neuf hélicoptères Whiskey. Ce montant de 2,6 Md \$, équivalent à 2,3 Md €, couvre les appareils, moteurs, ensembles GPS/INS et système anti‑navire, ainsi que formation, maintenance, documentation technique et infrastructures d’accueil. Cette décision renforce l’autonomie stratégique norvégienne sur le plan maritime et air‑terre. Le bloc arctique devient un environnement critique : la capacité à intervenir en moyenne mer ou en zone gelée dépend désormais de plateformes robustes et polyvalentes. En parallèle, Sikorsky fait face à des difficultés financières : pertes de 570 M \$ sur le programme Cyclone pour le Canada, et 95 M \$ sur l’arrêt de production de Black Hawk en Turquie. Ce nouveau contrat permet de compenser partiellement ces charges. Par ailleurs, la Norvège bénéficie d’une logistique consolidée avec les MH‑60R Seahawk déjà en service, facilitant les opérations de maintenance, la formation et la chaîne d’approvisionnement. Les capacités anti‑navires et de ravitaillement en vol distinguent largement le Whiskey des hélicoptères régionaux européens. Ce contrat marque aussi un positionnement politique : renforcer les liens transatlantiques en matière de défense, favoriser les échanges technologiques et sécuritaires avec les États‑Unis. L’impact économique local comprend le transfert de connaissances et potentiellement des révisions mineures des sites de maintenance en Norvège.
Les implications industrielles et capacitaires
Pour Sikorsky, la vente marque une première exportation significative du HH‑60W. Jusqu’à présent, ce modèle n’est utilisé que par l’US Air Force. L’intégration des Whiskey dans la flotte norvégienne sert de référence export et ouvre des perspectives vers d’autres pays nordiques ou membres de l’OTAN confrontés à des conditions similaires. La configuration modulaire du système, l’interopérabilité avec d’autres équipements américains, et l’expérience acquise sur la maintenance logistique constituent un argument commercial précieux. Sur le plan industriel, les moteurs GE T‑700‑GE‑401 font l’objet d’un lot de vingt‑deux unités (18 installés, 4 en réserve). L’offre inclut équipement GPS/INS, systèmes APR‑52, CMWS, ALE‑47, IZLID 200P et stockage logistique complet. La Norvège gagnera en capacité de projection rapide, de sauvetage, et de soutien maritime. Les économies européennes y voient un intérêt à renforcer les standards OTAN en SAR et défense navale. Cette commande peut aussi inciter d’autres États à moderniser leurs forces de recherche et sauvetage ou d’opérations spéciales. En ce sens, Sikorsky positionne le HH‑60W comme un hélicoptère de référence pour les missions combinant endurance, survie en conditions hostiles et capacité à soutenir des opérations anti‑navires.
Réflexions ouvertes et perspectives critiques
L’opération Whiskey suscite plusieurs interrogations. Sur le plan coût unitaire moyen, neuf appareils pour 2,6 Md \$ signifient un coût moyen de près de 290 M \$ par appareil incluant formation et support. Ce tarif reflète une premium high‑tech, mais interroge sur le rapport coût‑efficacité pour un pays de taille moyenne comme la Norvège. L’intégration d’un tel modèle exige une logistique lourde, expertise technique pointue et infrastructures adaptées. Un autre point concerne le modèle hexagonal : l’Europe dispose déjà de modèles comme l’NH90 ou l’AW101. Ce contrat montre que les hélicoptères américains conservent un avantage en matière de ravitaillement en vol et de technologie de contre‑mesures. Sur le plan politique, il illustre une confiance norvégienne dans l’industrie américaine malgré les précédents surcoûts subis par Lockheed Martin. Enfin, des questions demeurent sur l’adaptabilité du Whiskey aux climats extrêmes nordiques : gel, vents violents, sel marin. La formation du personnel norvégien sera décisive pour garantir une performance opérationnelle optimale en conditions réelles.

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