Le rôle opérationnel précis du Mil Mi‑35 (Hind‑E)

Le rôle opérationnel précis du Mil Mi‑35 (Hind‑E)

Analyse complète des missions passées et actuelles du Mil Mi‑35, hélicoptère d’attaque russe, avec données techniques et cas d’usage.

Spécialiste en aéronautique militaire, l’auteur propose ici une vision rigoureuse du Mil Mi-35, version export du Mi-24V, hélicoptère d’attaque russe. Il s’agit d’une analyse technique et opérationnelle axée sur l’efficacité, avec données mesurables et retours d’expérience. Les capacités de ce voilure tournante couvrent missions de soutien rapproché, lutte antichar, escorte, appui feux et évacuation médicale. Dans son ergonomie et ses équipements, le Mi-35 conjugue polyvalence logistique et puissance de feu.

L’article, structuré en parties, offre des informations techniques détaillées (performances, armement, électronique), des cas concrets d’emploi historique (Afghanistan, Sri Lanka, Mali, Ukraine), et des missions actuelles en formats « all-weather ». L’intégration des systèmes anti-missile, des capacités de vol de nuit, ainsi que les modernisations récentes sont présentées de manière précise. Ce rendu s’adresse à des acteurs ou experts du secteur défense, et évite les généralités pour privilégier les faits et mesures fiables.

Les caractéristiques techniques essentielles du Mi‑35

Le Mil Mi-35 repose sur une structure robuste dérivée du Mi-24V, intégrant deux moteurs turbomoteurs Klimov VK-2500, chacun développant 1 638 kW (soit environ 2 200 chevaux). Certaines variantes utilisent encore le modèle antérieur TV3-117VM, avec une puissance légèrement inférieure. Cette motorisation assure une vitesse maximale de 310 km/h, avec une croisière stabilisée autour de 260 km/h. Le plafond pratique est évalué à 5 400 mètres, permettant des manœuvres en altitude modérée, y compris dans des zones montagneuses. L’autonomie standard dépasse 1 000 km en vol de transit, pour un rayon de combat de 460 km avec charge offensive.

Le Mi-35 est conçu pour opérer avec deux membres d’équipage : pilote et opérateur d’armement. Certaines missions peuvent embarquer un troisième poste (mécanicien ou officier tactique). L’appareil peut transporter jusqu’à 8 passagers en cabine arrière, généralement des soldats équipés, du personnel blessé, ou du fret léger. Cet espace, rare sur un hélicoptère d’attaque, lui confère une capacité tactique supplémentaire.

La cellule repose sur un train d’atterrissage tricycle non rétractable, plus simple à maintenir et adapté aux terrains irréguliers. Le poids à vide atteint 8 400 kg, et la masse maximale au décollage avoisine les 12 000 kg, avec une charge utile externe standard de 1 500 kg, extensible selon configuration.

Le rotor principal, d’un diamètre de 17,3 mètres, est couplé à un rotor anticouple à trois pales, monté à bâbord. Le fuselage est blindé au niveau des postes de pilotage et de la cellule centrale, avec vitrages pare-balles.

Les versions modernisées (Mi-35M, Mi-35P) intègrent une avionique numérique : cockpit à écrans multifonctions, système FLIR, capteurs infrarouge, navigation GPS/GLONASS, détecteurs d’alerte radar, systèmes d’alerte laser, distributeurs de paillettes et leurres thermiques, et l’ensemble de guerre électronique Vitebsk. Cette configuration améliore la survie et l’efficacité en conditions tout-temps et en vol de nuit.

Le rôle opérationnel précis du Mil Mi‑35 (Hind‑E)

Les capacités de feu et leur emploi tactique

Le Mil Mi‑35, conçu comme un hélicoptère d’attaque lourd, dispose d’une capacité d’armement étendue, pensée pour des environnements à haute intensité. En configuration standard, il est équipé en nez d’un canon bitube GSh‑23L de 23 mm, dérivé du GSh‑23‑2, capable de tirer jusqu’à 450 coups par minute. Ce système fonctionne avec un approvisionnement interne de munitions de 450 à 470 obus, suffisants pour des frappes ciblées lors de missions d’appui rapproché.

Sur les pylônes latéraux, il peut emporter jusqu’à 4 nacelles de roquettes non guidées S-8 (calibre 80 mm), ou S-13 (calibre 122 mm), selon la mission. Ces roquettes peuvent être utilisées en salves ou par tir unitaire, avec un effet marqué contre des positions retranchées, véhicules non blindés ou structures légères. Chaque nacelle peut contenir 20 projectiles S-8 ou 5 S-13.

Pour la lutte antichar, le Mi‑35 peut emporter jusqu’à 8 missiles guidés antichars. Les modèles 9M114 Shturm, d’une portée d’environ 5 km, ont été remplacés progressivement par les 9M120 Ataka, atteignant 6 km et capables de percer 800 mm de blindage après ERA (Explosive Reactive Armour). Ces missiles sont guidés par radio et laser semi-actif selon les versions.

En complément, pour assurer son autoprotection, le Mi‑35 peut intégrer deux missiles Igla en montage latéral. Ces missiles air-air à guidage infrarouge servent à neutraliser des drones ou hélicoptères ennemis à courte portée.

Les modes d’emploi tactiques varient selon les théâtres d’opération. En Afghanistan, les Mi‑24 et Mi‑35 ont dû adapter leurs profils de vol à cause de la prolifération des MANPADS de type FIM-92 Stinger. Les équipages adoptaient une trajectoire à très basse altitude (« nap-of-the-earth »), combinée à des virages serrés et usage intensif des leurres thermiques pour déjouer les systèmes de guidage.

Pour limiter les risques, les versions les plus récentes du Mi‑35 sont équipées du système Vitebsk-25, intégrant capteurs d’alerte infrarouge, brouilleurs directionnels laser, et lance-leurres automatique. Ce système réduit considérablement l’efficacité des missiles sol-air à guidage thermique.

L’ensemble de ces capacités permet un emploi flexible : frappes directes, suppression de défenses au sol, appui à des colonnes blindées, ou appui-feu en zone urbaine. Le Mi‑35 agit ainsi comme un multiplicateur de force, notamment pour des unités terrestres engagées en zone contestée. Grâce à sa configuration blindée, il peut soutenir une mission dans un environnement saturé de tirs sol-sol sans retrait immédiat.

Enfin, sa charge utile lui permet de combiner simultanément munitions air-sol, missiles antichar et roquettes non guidées, ce qui le rend apte à conduire des missions complexes sans passage à l’armurerie entre chaque engagement. Cette capacité en fait une plateforme tactique prisée sur les théâtres d’opération asymétriques comme conventionnels.

Les déploiements historiques et le retour sur efficacité

L’intervention soviétique en Afghanistan (1979–1989)

Le Mil Mi‑24, version initiale du Mi‑35, a constitué un pilier de l’engagement soviétique en Afghanistan dès 1979. Son rôle principal était l’appui-feu rapproché au profit des unités terrestres dans les zones montagneuses et urbaines. Il intervenait également pour des missions de transport tactique, avec du personnel ou du matériel à bord.

Les équipages adoptaient des frappes coordonnées, en appui de colonnes blindées ou pour neutraliser des positions rebelles. Le Mi‑24 tirait des salves de roquettes S‑5 ou S‑8, parfois accompagné de bombes non guidées FAB‑250, et de rafales de canon 23 mm. Le caractère mixte de l’appareil (transport + feu) permettait aussi des exfiltrations ou insertions dans des zones contestées.

Mais à partir de 1986, la donne évolue : les moudjahidines commencent à utiliser massivement les missiles portables FIM‑92 Stinger, livrés par les États-Unis. Les pertes s’intensifient. Les équipages sont contraints de modifier leurs trajectoires : vol à très basse altitude, variation aléatoire des itinéraires, tir depuis des zones abritées. Les autorités soviétiques accélèrent alors l’intégration de leurres thermiques, de détecteurs d’alerte radar, et de blindage renforcé pour protéger les moteurs et la cabine.

Malgré ces limites, le retour opérationnel sur le Mi‑24/Mi‑35 reste globalement positif. L’appareil se montre résistant aux tirs légers, capable d’appui intense, et moins vulnérable que des voilures fixes dans un théâtre à relief accidenté. Son impact psychologique est également relevé par les troupes soviétiques, notamment par son bruit caractéristique et son aspect dissuasif en rase-mottes.

L’usage intensif au Sri Lanka (1995–2009)

Le Sri Lanka Air Force No. 9 Squadron a déployé des Mi‑24V et Mi‑35P dans le cadre du conflit contre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Ces hélicoptères d’attaque ont été engagés sur des zones côtières, des forêts denses, et des villages retranchés, en missions d’appui au sol et d’interdiction logistique.

Leurs rôles comprenaient : l’escorte de convois terrestres, la neutralisation de caches, et la couverture aérienne de bases avancées. Ils ont aussi servi à détruire des embarcations rapides de la marine du LTTE. Dans ce contexte, les équipages ont parfois dû faire face à des attaques de missiles sol-air portables, provoquant des pertes.

Pour compenser, le Sri Lanka a installé sur certains appareils un système de contre-mesures électroniques israélien, ainsi que des capteurs optroniques FLIR pour le ciblage nocturne. Ces ajouts ont accru la capacité des hélicoptères à frapper avec précision de nuit, ou par météo réduite. Les pilotes ont rapporté que la combinaison entre puissance de feu, vitesse de déploiement et résistance faisait du Mi‑35 un outil bien adapté au contexte asymétrique et au terrain tropical.

L’adaptation en Afrique de l’Ouest : le cas malien

Le Mali a acquis plusieurs exemplaires de Mi‑24/35M entre 2017 et 2022. Ces appareils ont été engagés pour lutter contre des groupes armés non étatiques, notamment dans le centre et le nord du pays. Ils assurent des frappes de précision, des évacuations médicales sécurisées, ou l’appui de patrouilles motorisées.

Deux pertes ont été enregistrées en opération, dont une collision avec un appareil au sol. Le climat sahélien, très abrasif, a nécessité l’ajout de filtres à sable, le renforcement du système de refroidissement, et des modifications du système hydraulique. Ces ajustements ont permis d’adapter le Mi‑35 à des environnements de température extrême et d’empoussièrement permanent.

Les forces locales rapportent que le Mi‑35, par sa vitesse et sa force de feu, permet de réduire le temps de réaction en zone rurale. Toutefois, l’usage intensif et les conditions logistiques précaires rendent sa maintenance plus complexe que celle d’appareils plus légers.

L’exposition intense dans le conflit ukrainien (depuis 2022)

Depuis le début du conflit russo-ukrainien en février 2022, le Mi‑35 est engagé par les deux camps, bien que dans des volumes limités. La Russie utilise le modèle modernisé Mi‑35M, équipé du système de guerre électronique Vitebsk et d’une avionique numérique. L’Ukraine, elle, exploite des Mi‑24 de fabrication soviétique.

Les appareils sont déployés dans des missions à haute intensité, notamment sur les axes de soutien tactique, la neutralisation de batteries ennemies, ou les frappes rapides sur position ennemie repérée. Mais dans cet environnement saturé en systèmes sol-air portatifs (Stinger, Piorun, IGLA), la vulnérabilité du Mi‑35 demeure importante.

Des vidéos OSINT ont confirmé la destruction de plusieurs appareils, notamment par des missiles à guidage thermique ou infrarouge. Même avec les leurres thermiques et l’alerte infrarouge, la lenteur relative de l’hélicoptère et l’absence de supériorité aérienne le rendent exposé. Le blindage permet parfois d’assurer la survie de l’équipage, mais pas toujours de sauver l’appareil.

Malgré ces pertes, les troupes russes continuent de l’employer pour des frappes ciblées de courte durée, souvent coordonnées avec des drones de reconnaissance ou de guidage laser.

Le rôle opérationnel précis du Mil Mi‑35 (Hind‑E)

Les missions contemporaines et les modernisations du Mi‑35

Le Mil Mi‑35 continue d’évoluer dans sa conception pour répondre aux exigences actuelles des conflits asymétriques et des opérations conventionnelles. Plusieurs pays utilisent ou ont acquis des versions récentes : Russie, Brésil, Venezuela, Irak, Nigéria, Pakistan, Mexique, entre autres. Ces appareils sont engagés dans des missions variées, allant de l’appui-feu tactique aux opérations de reconnaissance armée, en passant par des fonctions secondaires comme l’évacuation médicale sous protection.

Les versions modernisées – Mi‑35M, Mi‑35M2 et Mi‑35P/M4 – intègrent des systèmes embarqués bien plus avancés que les premières versions issues du Mi‑24V. La cellule est désormais équipée d’un pod électro-optique stabilisé EO/IR (d’environ 30 kg) installé sous le nez, permettant la détection et l’identification de cibles mobiles ou fixes, de jour comme de nuit. Ce capteur peut être couplé à un désignateur laser, augmentant la précision des tirs guidés.

Le cockpit reçoit des écrans multifonctions numériques, compatibles avec les jumelles de vision nocturne, et un ordinateur de mission assurant le traitement des données en temps réel. Le système GPS/GLONASS intégré permet une navigation par satellite précise, avec cartographie numérique et pointage automatique des cibles. Le système de communication a été modernisé pour fonctionner sur des réseaux chiffrés, avec liaisons anti-brouillage et coordination avec les drones ou centres de commandement avancés.

La suite d’autoprotection Vitebsk-25, également installée, comprend détecteurs de départ missile, brouilleurs infrarouges, distributeurs de leurres thermiques et interface pour automatiser les réponses. Elle augmente la survie de l’appareil contre les menaces sol-air, notamment les MANPADS.

Les missions actuelles du Mi‑35 incluent :

  • Appui-feu jour et nuit : utilisation combinée de roquettes non guidées et de missiles guidés. Le désignateur EO/IR permet des tirs précis sans contact visuel direct.
  • Lutte antichar : emploi des missiles 9M120 Ataka, capables de percer jusqu’à 800 mm de blindage réactif à une distance maximale de 6 km.
  • Escorte de convois : couverture des mouvements logistiques dans les zones à risque, avec frappes en cas d’embuscade ou d’interception.
  • Reconnaissance armée : détection de mouvements ennemis grâce aux capteurs optroniques, avec capacité d’engagement immédiat.
  • Évacuation sanitaire armée (MEDEVAC) : extraction de blessés sous appui direct, la cabine permettant d’embarquer du personnel médical ou de combat.
  • Surveillance côtière et lutte maritime : utilisée notamment au Sri Lanka pour frapper des vedettes rapides, grâce aux roquettes et aux capteurs infrarouges.

L’utilisation du vol en hélicoptère par mauvais temps ou en basse visibilité repose sur les capteurs gyrostabilisés, la navigation assistée et les profils de vol programmés. En mode tout-temps, le Mi‑35 peut maintenir une altitude intermédiaire (50 à 150 mètres) pour éviter les radars et les tirs directs tout en gardant la capacité d’engagement immédiat.

Sur les théâtres récents (Syrie, Ukraine, Sahel), ces fonctionnalités se sont avérées cruciales. En Syrie, les Mi‑35 russes ont été déployés dans des opérations de précision à proximité de Palmyre. En Ukraine, bien que les appareils aient subi des pertes, les versions modernisées ont été plus résilientes que les Mi‑24 plus anciens.

En termes de coût, un Mi‑35M est estimé autour de 15 millions d’euros (selon les configurations), un prix jugé compétitif pour un hélicoptère de cette catégorie, compte tenu de sa double capacité transport/attaque.

Le Mi‑35 reste, en 2025, une plateforme d’attaque polyvalente encore largement employée dans les arsenaux modernes, adaptée aux opérations complexes et aux milieux dégradés.

Le Mil Mi‑35 allie mobilité, puissance de feu, capacité transport léger et robustesse. Ses performances techniques (vitesse, rayon d’action, blindage, avionique) en font une plateforme adaptée aux théâtres modernes ponctués d’agression asymétrique et de menaces sol-air. Les retours d’expérience confirment son adaptation historique (Afghanistan, Sri Lanka, Mali, Ukraine), et ses configurations exportées offrent aux forces locales un outil complet.

Les améliorations électroniques et de protection ont réduit sa vulnérabilité tout en étendant les plages horaires opérationnelles. Pour les acteurs du secteur, le Mi‑35 illustre une synthèse hélicoptère russe, entre transport léger, canonnière et lance-missiles.

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