Leonardo menace Yeovil : le dernier site hélico anglais en péril grave

Leonardo UK

L’usine de Leonardo Helicopters UK à Yeovil, dernier site de production d’hélicoptères au Royaume-Uni, risque la fermeture. Analyse des enjeux, budgets et bénéficiaires potentiels.

L’usine de Yeovil, dans le Somerset, est la dernière usine d’hélicoptères au Royaume-Uni, hébergeant près de 3 300 emplois directs. Le groupe italien Leonardo S.p.A. y produit notamment l’hélicoptère de transport maritime AW101 Merlin pour la Royal Navy et, potentiellement, l’AW149 pour le futur programme britannique de nouvel hélicoptère moyen (NMH). Faute d’un contrat de près de 1 milliard de livres sterling (£1 mrd) de la part du Ministry of Defence (MoD) britannique, l’avenir du site est menacé. La fermeture ou la délocalisation de cette production aurait un effet domino sur la souveraineté industrielle britannique, la chaîne d’approvisionnement et le maillage territorial dans le sud-ouest de l’Angleterre.

L’État des lieux de l’usine de Yeovil

L’usine de Yeovil, exploitée par Leonardo Helicopters UK, est le dernier site de fabrication d’hélicoptères au Royaume-Uni. Elle occupe une position stratégique pour la défense britannique car elle assure l’assemblage, la maintenance et des opérations complémentaires pour des hélicoptères comme le AW101 Merlin. Le site emploie environ 3 300 personnes, avec des milliers d’emplois indirects dans la chaîne d’approvisionnement locale.
Malgré ces chiffres significatifs, le site n’a pas obtenu de nouveau contrat majeur de fabrication pour le segment de transport moyen depuis plus de dix ans. Le PDG de Leonardo, Roberto Cingolani, a déclaré que « cela fait 14 ans que Yeovil n’obtient aucun contrat » et que l’usine ne peut pas être subventionnée indéfiniment.
Ainsi, malgré son potentiel et son savoir-faire, l’usine est confrontée à une disjonction entre la reconnaissance stratégique et la réalité opérationnelle des commandes gouvernementales.

Les raisons de la menace de fermeture

Plusieurs facteurs expliquent pourquoi la fermeture de l’usine est envisagée.
D’abord, l’absence de contrat de production majeur : le programme NMH (New Medium Helicopter) visait à remplacer des Puma HC2 retirés, avec un budget d’environ £1 mrd, mais le calendrier est en retard et la décision toujours attendue. Leonardo est le seul soumissionnaire encore en lice avec l’AW149.
Ensuite, des coûts d’exploitation élevés pour maintenir une usine sans activité de masse : maintenir compétences, équipement, chaîne d’assemblage demande des ressources. Leonardo précise ne pas vouloir continuer à « subventionner Yeovil indéfiniment ».
Enfin, des pressions budgétaires et stratégiques pour la défense britannique : la politique de l’État britannique vise à augmenter les dépenses de défense mais aussi à rationaliser les programmes. Le retard de décision du MoD et l’incertitude du programme contributent à l’urgence.
En somme, c’est une convergence de marché, politique et industriel qui place l’usine en situation critique.

L’impact sur la production d’hélicoptères et la défense britannique

Si l’usine ferme ou voit ses activités fortement réduites, les répercussions seraient multiples.
Sur la production : l’arrêt ou le déplacement de la fabrication pourrait allonger les délais de livraison pour le AW101 Merlin ou l’AW149, voire compromettre la capacité à maintenir une ligne d’assemblage au Royaume-Uni. Cela affaiblirait la souveraineté industrielle britannique dans le domaine des hélicoptères.
Sur la défense nationale : la RAF et la Royal Navy comptent sur ces capacités de production et de maintenance locales pour garantir la disponibilité des machines en opérations. Tout affaiblissement pourrait poser problème pour la mission, les délais de livraison ou la maintenance.
Sur l’économie locale : les milliers d’emplois directs et indirects du site et de la chaîne d’approvisionnement sont en risque. La fermeture générerait un choc économique pour la région du Somerset et pour le tissu industriel.
Sur la chaîne d’approvisionnement industrielle britannique : perdre cette dernière usine c’est aussi affaiblir tout un écosystème – fournisseurs, sous-traitants, compétence formation. Cela pourrait entraîner une fuite de compétences vers l’étranger ou une désindustrialisation partielle.
Cet ensemble de conséquences justifie l’attention portée à cette menace.

Les budgets et les enjeux financiers

Le contrat clé en jeu est celui du programme NMH évalué à £1 milliard (environ 1,17 milliard d’euros), que le MoD doit attribuer. Leonardo a présenté sa meilleure et finale offre au printemps 2025 mais l’attribution est repoussée à fin d’année. Sans ce contrat, l’usine ne bénéficierait pas d’un flux de production de masse.
Par ailleurs, en avril 2025 le MoD a alloué un contrat d’entretien de £165 millions à Leonardo pour la flotte de 54 AW101 Merlin. Ce contrat a permis de sécuriser 1 000 emplois, dont 200 à Yeovil, mais il s’agit d’un contrat de maintenance, non de production en masse.
La différence est nette : un contrat d’entretien ne permet pas de maintenir à long terme une ligne de production ou développer de nouveaux modèles. Sans nouvel apport de volume industriel, l’usine risque de devenir structurellement peu rentable.
Leonardo mentionne dans ses résultats que sa division hélicoptères doit absorber des coûts liés à des contrats annulés (ex. NH90 avec la Norvège) à hauteur de €125 millions.
Au total, le contexte financier montre que l’usine de Yeovil dépend fortement d’un grand contrat de production pour équilibrer ses coûts et assurer sa viabilité.

Qui pourrait bénéficier de cette restructuration ?

Si l’usine venait à fermer ou ses activités à être réduites, plusieurs acteurs pourraient en tirer un avantage ou repositionner le jeu industriel :

  • Un constructeur concurrent de l’hélicoptère pourrait remporter le contrat NMH si Leonardo était écarté. Même si, à ce jour, Leonardo reste seul candidat. Cela ouvrirait un espace pour des acteurs non-traditionnels.
  • Le gouvernement britannique pourrait arbitrer en faveur d’un transfert partiel de production vers l’étranger ou vers un site plus rentable, ce qui peut réduire les coûts mais affaiblir l’industrie locale.
  • Certains sous-traitants de la chaîne locale pourraient perdre ou, inversement, rechercher des partenariats avec d’autres fabricants, voire créer des startups ou externaliser vers des pays à coûts moindres.
  • À terme, une restructuration permettrait à Leonardo de redéployer ses investissements dans d’autres domaines (avions de combat, électronique, drones) et de fermer des sites considérés comme moins stratégiques ou non rentables.
    En résumé, la pression sur Yeovil peut déclencher une chaîne d’effet où certains gagnants se profilent… mais au prix d’un coût social et industriel local élevé.

Les implications en matière de politique industrielle et de souveraineté

Le cas de Yeovil soulève directement la question de la souveraineté industrielle britannique dans le domaine des hélicoptères. Le Royaume-Uni, confronté à des enjeux géopolitiques accrus, vise à maintenir des capacités militaires et de production sur son territoire. Perdre son dernier site de production active pour hélicoptères serait un signal négatif.
Cela interroge également la cohérence des politiques d’achats de défense et de soutien à l’industrie : pourquoi maintenir un site sans contrat majeur pendant plus d’une décennie ? Le message envoyé aux investisseurs, aux opérateurs et à la main-d’œuvre est crucial.
De plus, dans un contexte de hausse des dépenses de défense (objectif à 2,5 % du PIB d’ici 2027 selon le gouvernement britannique), le risque est que l’absence de stratégie claire de soutien industriel crée un décalage entre besoins et capacités.
Enfin, la dynamique régionale est en jeu : la fermeture d’un site majeur pourrait entraîner une perte de compétences, une fuite de talents et un affaiblissement durable de la base industrielle régionale dans le sud-ouest de l’Angleterre.

Vers un scénario probable et quelques pistes d’action

À court terme, tout dépend de l’attribution du contrat NMH par le MoD. Une décision positive en faveur de Leonardo renforcerait l’usine de Yeovil et donnerait un peu de répit. Une décision négative ou un report prolongé risque d’enclencher une réduction d’activités dès 2026.
Pour atténuer les risques, plusieurs pistes d’action sont possibles :

  • Mettre en place un contrat de transition ou de diversification industrielle pour l’usine : par exemple, produire de nouveaux modèles d’hélicoptères, ou développer des activités de maintenance et de conversion.
  • Renforcer les engagements du gouvernement britannique en matière de volumes industriels et de soutien à la chaîne d’approvisionnement pour sécuriser l’emploi et la compétence.
  • Explorer un partenariat international qui permette de maintenir la ligne de Yeovil tout en garantissant des flux de production export.
  • Optimiser la chaîne de production et réduire les coûts fixes de l’usine afin de la rendre viable même sans grand contrat massif.
    Sans ces mesures, le risque est qu’une décision de réduction soit annoncée, provoquant un effet immédiat sur l’emploi et l’activité régionale.

Cette alerte autour de l’usine de Yeovil est un signal fort pour l’industrie de défense britannique et pour les stratégies industrielles européennes. Le maintien ou la fermeture de cette ligne de production ne relève pas uniquement d’un dossier d’entreprise, mais d’un enjeu national. Il s’agit de savoir si le Royaume-Uni souhaite préserver une capacité de production d’hélicoptères sur son sol ou laisser cette compétence filer. Les conséquences seront mesurables en emploi, en souveraineté industrielle et en stratégie militaire.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.

Leonardo UK