Premier vol autonome d’un AW139 pour les Marines américains

Premier vol autonome d’un AW139 pour les Marines américains

Un AW139 de Honeywell a volé sans pilote en mai 2025, marquant une avancée pour la logistique militaire autonome des Marines américains.

Honeywell et Near Earth Autonomy ont réalisé en mai 2025 le premier vol autonome d’un hélicoptère Leonardo AW139 sans pilote ni opérateur à distance. Ce test s’inscrit dans le programme Aerial Logistics Connector (ALC) du U.S. Marine Corps, visant à créer des systèmes logistiques aériens autonomes, sûrs et déployables en zones contestées. Grâce à l’intégration du logiciel embarqué de Near Earth, plusieurs fonctions de l’autopilote ont été contrôlées de façon automatique. L’objectif est de remplacer ou d’accompagner les missions logistiques classiques, souvent risquées, par des vols sans équipage humain, réduisant les pertes humaines et accélérant les flux d’approvisionnement. Ce succès marque une étape stratégique dans l’autonomisation des plateformes existantes, avec des applications potentielles civiles et militaires.

Le test réussi d’un AW139 sans pilote, une démonstration de faisabilité opérationnelle

Le vol autonome du Leonardo AW139 a été réalisé en mai 2025 à Phoenix (Arizona). Il s’agit d’un appareil civil polyvalent pesant environ 6 400 kg à pleine charge, long de 16,7 mètres, capable de voler à une vitesse de 310 km/h avec une autonomie de près de 1 000 km. La plateforme a été utilisée comme banc d’essai par Honeywell et Near Earth Autonomy, dans le cadre du programme Aerial Logistics Connector (ALC).

Durant ce test, des modes critiques de l’autopilote ont été pilotés sans intervention humaine, uniquement à partir du logiciel autonome embarqué développé par Near Earth Autonomy. Cela inclut les phases de vol stabilisé, les corrections de trajectoire et la navigation prédéfinie.

Ce vol marque une étape technique importante pour l’USMC. Il démontre que des hélicoptères conventionnels peuvent être rétrofités avec des systèmes de décision automatisée pour des opérations de logistique. C’est la première fois qu’un AW139 est piloté de façon totalement autonome, sans intervention à distance ou humaine embarquée.

Ce type d’expérimentation permet de valider en vol des algorithmes complexes de trajectoire et de prise de décision. Il s’agit d’un préalable indispensable pour les opérations futures dans des environnements dégradés ou contestés, où la présence humaine devient une contrainte opérationnelle.

Un cadre stratégique : le programme Aerial Logistics Connector (ALC)

Le projet ALC est porté par le Naval Aviation Systems Consortium, via une Other Transaction Agreement (OTA), avec Near Earth Autonomy comme maître d’œuvre. Ce cadre contractuel vise à accélérer la mise sur le marché de solutions technologiques duales, avec des retours rapides sur investissement et une plus grande liberté d’innovation que les appels d’offre traditionnels du Pentagone.

L’objectif principal du programme est de développer des capacités logistiques autonomes capables de fonctionner dans des environnements où les convois terrestres sont trop lents ou vulnérables. En moyenne, un convoi logistique de l’USMC met plusieurs heures à parcourir 100 kilomètres, et reste exposé aux engins explosifs improvisés (IED). En comparaison, un drone logistique peut couvrir la même distance en moins de 30 minutes.

Les livraisons aériennes sans pilote permettraient également de réduire la dépendance à des ressources humaines limitées, dans un contexte de tensions sur le recrutement et la rétention du personnel militaire aux États-Unis.

Enfin, le programme ALC prévoit une évolutivité vers des plateformes plus grandes, comme des drones de la classe VTOL de plus de 1 000 kg de charge utile, capables de livrer des palettes de munitions, de carburant ou de pièces détachées.

Premier vol autonome d’un AW139 pour les Marines américains

Les enjeux technologiques : rétrofit, avionique et autonomie décisionnelle

Honeywell et Near Earth Autonomy ne développent pas une nouvelle cellule, mais adaptent des aéronefs existants avec des solutions d’autonomie embarquée. Cette approche présente des avantages clairs :

  • Réduction des coûts de développement : pas besoin de concevoir un nouvel hélicoptère.
  • Compatibilité avec des plateformes éprouvées : l’AW139 est utilisé dans plus de 80 pays, tant par les civils que par les militaires.
  • Certification facilitée : l’avionique Honeywell est déjà qualifiée pour une large gamme de missions.

Le cœur du système repose sur des capteurs LIDAR, GPS différentiel, inertiels, couplés à des algorithmes d’apprentissage automatique permettant à l’hélicoptère d’interpréter son environnement, de prendre des décisions, et d’ajuster sa trajectoire.

L’un des défis technologiques majeurs est l’évitement d’obstacles en temps réel, notamment en zone urbaine ou en milieu montagneux. La prochaine phase de test intégrera cette fonctionnalité, selon les déclarations officielles.

Par ailleurs, la fiabilité des systèmes autonomes doit atteindre des niveaux équivalents à l’aviation habitée pour espérer obtenir des certifications militaires complètes d’ici à 2027.

Applications militaires, mais aussi civiles et industrielles

Même si le projet est d’abord destiné à un usage militaire, les conséquences industrielles vont bien au-delà du cadre de l’USMC. En démontrant qu’un appareil comme l’AW139 peut être converti à l’autonomie, Honeywell ouvre la voie à des usages civils ou parapublics.

Par exemple :

  • Secours en zones sinistrées sans exposer de pilotes ;
  • Livraisons médicales urgentes sur de longues distances en Afrique ou en Asie ;
  • Surveillance d’infrastructures critiques (oléoducs, lignes électriques, zones frontalières).

Des essais similaires sont en cours sur des hélicoptères plus légers ou sur des plateformes hybrides. L’objectif partagé par les industriels est de proposer d’ici à 2030 des systèmes aériens sans équipage (UAS) certifiés pour les opérations mixtes (civiles et militaires).

Le marché mondial du transport autonome de fret aérien est estimé à plus de 24 milliards d’euros d’ici 2032, avec une croissance annuelle moyenne de 12,8 %, selon l’institut Market Research Future.

Vers un écosystème modulaire de la logistique automatisée

Ce test réussi s’intègre dans une transformation plus large des chaînes d’approvisionnement militaires et civiles. L’idée n’est plus seulement d’automatiser un véhicule, mais de concevoir un écosystème de logistique modulaire, interopérable entre drones, plateformes navales, véhicules terrestres autonomes et systèmes de commande distribués.

Le rôle d’Honeywell est central dans cette mutation : l’entreprise développe une gamme complète d’avioniques adaptables, compatibles avec les drones actuels et les futurs systèmes C4ISR. La modularité permet aussi d’abaisser les coûts en production de série.

Pour l’USMC, il s’agit de gagner en réactivité tactique, en réduisant le délai entre la demande et la livraison d’un ravitaillement sur le terrain. Des algorithmes d’ordonnancement dynamique des livraisons sont déjà à l’essai, pour réduire les temps morts dans les opérations.

D’autres forces armées (Japon, Australie, Royaume-Uni) suivent ces évolutions de près, certains ayant déjà entamé des projets de démonstration sur leurs propres plateformes existantes (Black Hawk, NH90).

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère