À Salinas, Joby Aviation et Archer Aviation signent la première démonstration publique d’eVTOL aux États-Unis. Un jalon vers l’urban air mobility et la certification FAA.
En résumé
Au California International Airshow organisé à Salinas (Monterey County), Joby Aviation et Archer Aviation ont réalisé la première démonstration publique d’eVTOL aux États-Unis. Le week-end des 4-5 octobre 2025 a donné au public un aperçu concret des futurs services de urban air mobility, avec des évolutions en vol mettant l’accent sur le faible bruit et la sécurité opérationnelle. Joby a montré les transitions entre vol porteur et vol stationnaire, tandis qu’Archer a fait évoluer son Midnight dans le cadre d’une présentation structurée. L’événement intervient alors que les deux acteurs avancent sur la FAA certification pour viser des mises en service commerciales à l’horizon 2025-2026, sur des liaisons urbaines typiques de 20-30 miles (32-48 km). Au-delà du symbole, cette séquence valide des briques critiques : performances, intégration dans l’espace aérien, maturité des essais, acceptabilité publique et préparation des infrastructures. Elle confirme aussi la course industrielle en Californie, où Joby Aviation et Archer Aviation s’imposent comme chefs de file d’une filière eVTOL désormais visible par le grand public.
La démonstration qui installe un nouveau standard
Le contexte et la portée
La démonstration a eu lieu lors du California International Airshow sur l’aéroport municipal de Salinas, au cœur de Monterey County. Pour la première fois sur le sol américain, des eVTOL ont évolué devant un large public, avec un dispositif de présentation et de pédagogie destiné à expliquer technologies, sûreté, et usages attendus. L’objectif n’est pas le spectaculaire, mais la crédibilité : prouver que ces aéronefs peuvent voler de manière contrôlée, silencieuse et reproductible au sein d’un meeting aérien très fréquenté. Selon l’organisation et la presse spécialisée, l’édition 2025 a attiré jusqu’à environ 65 000 spectateurs, un échantillon significatif pour tester la perception de ces appareils nouvelle génération.
Les faits saillants en vol
Joby a fait évoluer son appareil à six rotors basculants, mettant en évidence la transition entre le vol porteur et le stationnaire. La séquence n’a pas cherché la performance brute, mais la maîtrise des régimes de vol, avec des passages démonstratifs et une communication appuyée sur le faible niveau sonore perçu comme un « souffle ». Archer a présenté Midnight, son eVTOL à douze rotors (six basculants, six fixes), dans un profil de présentation adapté au cadre d’un meeting, focalisé sur la stabilité, la gestion de l’enveloppe et la lisibilité pour le public. Sur le plan acoustique, les deux programmes ont insisté sur la réduction du bruit par rapport à un hélicoptère classique, un facteur clé d’intégration urbaine.
L’architecture des appareils et les choix opérationnels
La plateforme Joby : la transition au service de la mission
Le démonstrateur Joby (configuration S4) est conçu autour de six rotors basculants permettant de conjuguer décollage/atterrissage vertical et croisière efficiente sur voilure fixe. Au-delà de la cinématique, la valeur est dans l’avionique fly-by-wire, la gestion de l’énergie et la redondance des systèmes, essentielles pour la certification. Joby a rappelé à Salinas des jalons récents comme le vol entre deux aéroports publics en Californie en août 2025 (Marina–Monterey, 10 nm, environ 12 min, y compris temps d’attente en circuit), preuve d’intégration dans un espace aérien contrôlé et d’interfaces ATC standard. Cette démonstration valide la capacité à enchaîner verticalité, transition et croisière dans un schéma proche d’un service réel.
La plateforme Archer : le concept Midnight et le cycle court
Midnight est optimisé pour des rotations courtes et répétées, typiquement 20-30 miles (32-48 km) par segment, avec des recharges rapides entre deux vols. L’architecture à 12 rotors privilégie la stabilité, la tolérance aux pannes et la qualité de trajectoire dans les phases verticales les plus sensibles au voisinage des vertiports. Ce design reflète un choix d’emploi : relier des nœuds urbains denses, avec un niveau de bruit compatible avec une exploitation régulière et des créneaux de haute fréquence. L’implantation du site d’essais d’Archer à Salinas ancre aussi le programme dans l’écosystème local, facilitant les démonstrations publiques et l’acculturation du grand public.
Les métriques qui comptent pour l’urban air mobility
Les distances utiles, les temps gagnés et la capacité
Les opérateurs visent des liaisons intra-urbaines courtes où la vitesse point à point et l’absence de congestion produisent un gain net. Sur 20-30 miles (32-48 km), le temps porte-à-porte est la métrique principale : un trajet d’aéroport vers un centre-ville peut tomber sous la barre des dix minutes de vol, avec un confort acoustique nettement supérieur à l’hélicoptère. Côté capacité, le format pilote + quatre passagers demeure la référence, calibrée pour le segment premium-navette et les couloirs à forte densité. Ces paramètres dessinent le modèle économique des premières lignes : fréquence élevée, temps d’immobilisation minimisé, et taux de remplissage réaliste pour sécuriser le coût par siège-mile.
Le bruit et l’acceptabilité
L’acceptabilité urbaine repose sur deux leviers : l’empreinte sonore et la répétabilité des trajectoires. Le public de Salinas a pu juger de la signature acoustique « souffle » des eVTOL, élément déterminant pour la proximité des quartiers habités. En parallèle, le maintien de trajectoires stables, la précision des posés/décollages et la communication en temps réel avec la tour constituent des preuves indispensables pour les autorités locales et les riverains. L’expérience « meeting » permet d’exposer ces facteurs dans un cadre contrôlé et didactique, avec des retours immédiats du public.
Les étapes de certification FAA et la mise en service
La situation réglementaire
Sur le plan réglementaire, les eVTOL évoluent dans la classe spéciale de certification, avec des critères d’aptitude au vol spécifiques publiés et affinés au fil des itérations. Pour Archer, la FAA a finalisé des critères d’aptitude au vol dédiés à Midnight dès 2024, une brique nécessaire pour structurer essais, conformité et production sous surveillance. Joby, de son côté, a multiplié les vols d’essais avec équipage et prépare l’évaluation formelle avec les pilotes de la FAA, avec l’objectif d’un service commercial dès que le certificat de type et l’agrément de production seront obtenus. La fenêtre d’entrée en exploitation visée demeure 2025-2026 selon les marchés et les premiers couloirs autorisés.
Les marchés pilotes et les partenariats
Les deux acteurs visent une montée en charge progressive, avec des corridors métropolitains identifiés et des partenariats structurants. Joby a déjà démontré un vol inter-aéroports et communique sur des objectifs de lancement dans de grandes métropoles américaines, tout en explorant des premières commerciales hors des États-Unis. Archer prévoit des démonstrations et des premières opérations dans des environnements réglementaires favorables, avec un accent sur la Californie et des vitrines internationales. L’alignement avec des événements majeurs (par exemple, des échéances sportives) et les autorités aéroportuaires vise à accélérer l’acceptation et la construction des premiers vertiports.
Les retombées industrielles et d’infrastructure
Les vertiports, l’énergie et l’intégration ATC
La démonstration de Salinas ne répond pas seulement à « est-ce que ça vole ? », mais à « est-ce que ça s’insère ? ». Il faut des vertiports certifiés, une puissance électrique disponible pour des recharges fréquentes, une gestion des flux au sol, et une intégration ATC fluide des profils VTOL dans l’espace aérien terminal. Le vol Marina–Monterey l’a montré : les eVTOL peuvent opérer au sein d’un trafic conventionnel sous contrôle FAA, avec des temps d’attente gérés comme pour tout aéronef. C’est le socle d’un réseau qui, demain, devra dialoguer avec hélicoptères, IFR commerciaux et drones logistiques.
Les chaînes de valeur et l’emploi
L’implantation en Californie alimente un bassin d’emplois hautement qualifiés autour des essais en vol, des batteries, des systèmes de contrôle et de la production. La proximité de Salinas avec les sites d’essais offre un terrain naturel pour la montée en cadence, la formation des pilotes et des techniciens, et la montée de maturité des procédés. Les démonstrations publiques nourrissent aussi le dialogue avec fournisseurs, investisseurs et autorités locales, accélérant le calendrier des chantiers d’infrastructures et des autorisations d’exploitation.
Les limites et risques à surveiller
La technologie batterie et l’exploitation réelle
Le succès à l’échelle dépendra de la tenue des batteries sur des cycles intensifs, de la gestion thermique en environnement chaud, et de la prévisibilité des temps de recharge. Les marges réglementaires (réserves, déroutements) réduisent le rayon d’action exploitable par rapport au maximum démontré en vol d’essai. D’où la focalisation sur des missions courtes et répétitives, où le taux d’utilisation et la fiabilité priment sur la distance pure. La démonstration de Salinas confirme l’adéquation entre produit et mission, mais la production série et l’exploitation quotidienne seront les juges de paix.
La trajectoire réglementaire et l’acceptation sociale
La certification reste la clé. Les autorités affinent encore les cadres applicables aux eVTOL, et chaque itération de tests peut ajuster les hypothèses de bruit, de maintenance et de formation équipage. Côté acceptation, la pédagogie devra se poursuivre au-delà des meetings : vols de démonstration en cœur de ville, consultations publiques, preuves de sécurité sur des milliers d’heures, et transparence sur les incidents et correctifs. Les deux acteurs l’ont compris : sans preuve sociale, la preuve technique ne suffit pas.
La séquence de Salinas comme signal de marché
Ce premier « bain de foule » américain crédibilise une filière longtemps cantonnée aux vidéos de tests. À Salinas, les appareils ont volé devant des dizaines de milliers de personnes, sur un aéroport opérationnel, avec un récit simple : réduire les temps de trajet urbains, de manière propre et silencieuse. Si le calendrier de mise en service dépendra de la FAA certification, la trajectoire est clarifiée. Les prochains mois diront si l’avantage de pionnier californien peut se transformer en premiers réseaux commerciaux, avec des appareils produits en série et une expérience client standardisée de bout en bout.
HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.
