Signature Aviation et Atlantic Aviation investissent dans des vertiports et des chargeurs haute puissance pour accueillir les eVTOL dès 2026, avec Joby et Archer.
Les chaînes de FBO accélèrent la préparation des infrastructures pour l’air-taxi électrique. Signature Aviation et Atlantic Aviation annoncent la mise à niveau de sites clés avec des vertiports et un réseau de recharge haute puissance, en s’appuyant sur BETA Technologies et des partenariats opérationnels avec Archer Aviation et Joby Aviation. Les premiers emplacements doivent être électrifiés dès 2025, pour des opérations initiales en 2026 sur des corridors urbains et aéroportuaires. Les investissements portent sur la distribution électrique (jusqu’à 350 kW), la planification foncière, l’intégration airside/landside et la digitalisation des opérations. Objectif : transformer des FBO existants en hubs hybrides hélicoptères/eVTOL, interopérables et évolutifs. La dynamique est mondiale, de Los Angeles à Dubaï, avec une convergence technologique autour de standards ouverts (CCS) et de vertiports modulaires. Les FBO deviennent l’ossature d’une mobilité aérienne avancée, prête à passer du prototype au service commercial.
Le contexte : un virage industriel porté par la demande urbaine
La montée en puissance de la mobilité aérienne urbaine et régionale pousse les opérateurs au-delà du seul démonstrateur. Les FBO, déjà rompus aux opérations rotorcraft et business aviation, apparaissent comme la passerelle naturelle vers les eVTOL. Leur avantage repose sur des emprises existantes, une maîtrise des standards de sûreté et une capacité de service premium. Les chaînes à large maillage peuvent mutualiser les investissements, standardiser les procédures et offrir une expérience homogène d’un aéroport à l’autre. Dans ce cadre, Signature Aviation et Atlantic Aviation s’imposent comme les catalyseurs d’un déploiement à l’échelle, en synchronisant calendrier industriel des OEM et disponibilité des premières lignes commerciales.
La stratégie de Signature Aviation : électrifier le réseau et sécuriser l’accès
Signature a formalisé un accord d’infrastructure avec Archer Aviation pour électrifier des sites de lancement et étendre progressivement la couverture à mesure que la flotte grandit. L’ambition est d’activer des emplacements côtiers et métropolitains majeurs, là où la demande de navettes aéroport-centre est la plus forte. En parallèle, Signature déploie des chargeurs BETA Technologies sur des FBO américains, avec une logique d’interopérabilité : un même point de charge peut servir des eVTOL et des véhicules terrestres, simplifiant la montée en cadence. L’approche réduit le risque de verrouillage technologique en s’appuyant sur le standard CCS et des équipements déjà certifiés en environnement aéroportuaire. Les premières installations ouvrent la voie à une bascule opérationnelle sur des créneaux courts, compatibles avec les rotations des eVTOL (10 à 20 minutes de recharge rapide pour des étapes urbaines courtes, selon profils d’utilisation).
La stratégie d’Atlantic Aviation : des « VertiPorts by Atlantic » et des corridors prioritaires
Atlantic crée une filiale dédiée, « VertiPorts by Atlantic », et s’adjoint un partenaire immobilier pour sourcer des sites dans des marchés denses comme la Californie, New York et la Floride. L’enjeu est double : identifier des fonciers « infill » à proximité d’axes de mobilité et adapter des FBO existants pour l’usage mixte hélicoptères/eVTOL. L’opérateur travaille déjà avec BETA Technologies pour mettre en service des stations de charge sur plusieurs terrains, tout en consolidant ses liens avec Archer Aviation pour les premières opérations air-taxi. Cette démarche renforce la continuité opérationnelle : la transition se fait sans rupture, en capitalisant sur les hangars, rampes et services ground déjà en place, tout en ajoutant l’électrification, la segmentation des flux passagers, et la gestion thermique/d’énergie.
Les briques techniques : puissance, interopérabilité et intégration aéroportuaire
Les chargeurs aériens haute puissance de BETA Technologies constituent la pierre angulaire des premiers déploiements. Les « Charge Cubes » offrent une puissance DC jusqu’à 320–350 kW (câble de 15,2 m), avec des connecteurs CCS et une architecture pensée pour passer sous une aile ou s’aligner avec une aire de stationnement VTOL. Ce dimensionnement permet des recharges en moins d’une heure pour des appareils de la génération actuelle et s’adapte aux cycles rapides des missions UAM. L’interopérabilité est clé : le même écosystème alimente des eVTOL de plusieurs OEM et des flottes au sol (navettes, véhicules de service). Côté aéroport, la contrainte est électrique : augmenter la puissance appelée, tracer des circuits redondants, intégrer des systèmes de gestion de l’énergie et prévoir à terme des solutions de stockage pour lisser les pics (batteries stationnaires, éventuellement H2 à horizon plus lointain). Les FBO investissent aussi dans la supervision numérique : contrôle d’accès, suivi des sessions, comptage énergétique, tarification dynamique.
Les cas d’usage initiaux : navettes aéroportuaires et liaisons urbaines
Les premiers déploiements ciblent des navettes aéroport-centre et des liaisons intra-métropolitaines de 15 à 35 km, là où l’avantage temps est maximal. Joby Aviation prépare ainsi un réseau aux Émirats arabes unis, avec un premier vertiport à l’aéroport international opérationnel début 2026, tandis qu’Archer Aviation aligne son calendrier avec des hubs urbains aux États-Unis. Dans ces scénarios, les FBO se transforment en points d’entrée premium, avec pré-embarquement fluidifié, contrôle sûreté adapté et correspondances avec le réseau terrestre. Les vertiports établis à proximité immédiate des terminaux réduisent les temps de correspondance et facilitent l’adoption par une clientèle affaire et MICE. En parallèle, des segments événementiels (grands salons, compétitions) servent de vitrines pour éprouver les opérations à volume contrôlé.
Les investissements : capex ciblés et montées en charge progressives
L’effort financier porte d’abord sur l’alimentation électrique (transformateurs, câblage, protections), les chargeurs DC, les marquages au sol, la signalétique et les zones passagers dédiées. À mesure que les rotations augmentent, les FBO projettent des extensions modulaires : aires de stationnement supplémentaires, baies de charge parallèles, salles d’embarquement à capacité accrue. Les chaînes comme Signature Aviation et Atlantic Aviation bénéficient d’effets d’échelle : mutualisation des achats, duplication des plans d’exécution, accélération des permis. Les montants restent « en millions » par site selon l’empreinte et la complexité, avec un retour sur investissement indexé sur la fréquence des rotations et les accords commerciaux avec les opérateurs eVTOL.
Les standards et la sécurité : convergences autour du CCS et des SOP FBO
La normalisation progresse vers une compatibilité multi-constructeurs. Le choix du CCS par BETA Technologies et son adoption par les partenaires réduisent les risques de fragmentation. Pour les FBO, la sécurité industrielle suit les SOP existantes : zonage clair entre passagers et opérations, procédures anti-incendie spécifiques aux batteries, protocoles de consignation d’énergie, formation dédiée du personnel. Les retours d’expérience accumulés en 2024-2025 (mise en service de stations, essais avec appareils de test) alimentent des guides d’exploitation transposables d’un aéroport à l’autre.
La dynamique réseau : du site isolé à la maille métropolitaine
Un chargeur isolé n’a qu’une valeur limitée ; la proposition devient robuste quand plusieurs sites d’une même région sont équipés, créant une maille favorisant la résilience et la flexibilité de planification. Le réseau de BETA Technologies a quasiment doublé en 2024, couvrant désormais des dizaines d’emplacements dans plus de vingt États, souvent chez des FBO de premier plan. Pour les opérateurs comme Archer Aviation, cela signifie pouvoir déployer des vols d’essai, de formation et des pré-séries commerciales sur plusieurs bases, sans dépendre d’une seule installation critique. Cette redondance est essentielle pour tenir des horaires, absorber des maintenances non planifiées et garantir un taux de disponibilité compatible avec des services réguliers.
L’impact opérationnel : temps de rotation, disponibilité et expérience client
Côté piste, l’objectif est de ramener le temps de rotation à celui d’un héliport classique, tout en intégrant la recharge. Les premiers profils montrent des fenêtres de 10 à 20 minutes possibles pour des « top-ups » entre deux étapes courtes, et des recharges plus longues pour des repositionnements ou des pauses nocturnes. Les FBO ajoutent une couche de services alignée avec leur ADN : salons, services bagages légers, coordination chauffeur, et information temps réel. En back-office, les DCS et outils FBO s’adaptent pour intégrer des flux de passagers plus fréquents et de plus faible capacité, à la manière d’un pont entre handling business et « mini-ligne » aérienne.
Les limites et points de vigilance : puissance, foncier et régulation
Trois variables conditionnent l’accélération. Premièrement, la disponibilité de la puissance électrique sur site : certains aéroports devront phaser les travaux, voire installer du stockage tampon pour absorber les pics. Deuxièmement, le foncier : la rareté des emprises bien situées impose des arbitrages entre stationnement, hangars et aires VTOL. Troisièmement, la régulation : urban air mobility rime avec intégration ATC, trajectoires à faible nuisance, et acceptabilité autour du bruit. Les projets avancent avec les autorités locales pour baliser des couloirs, définir des procédures de départ/arrivée et publier des créneaux.
Ce qu’il faut surveiller d’ici 2026
Les jalons à suivre sont clairs : mise sous tension de nouveaux FBO équipés, annonces d’accords réseau entre chaînes et OEM, premiers horaires commerciaux publiés, et montée en cadence sur des axes emblématiques (aéroport-centre). On guettera aussi la consolidation des standards (interopérabilité chargeurs/avions), la généralisation des outils de supervision et la capacité des FBO à maintenir une qualité de service premium avec des cadences plus rapprochées. À l’international, la vitrine de Dubaï servira de test à grande échelle sur un hub mondial, tandis que des marchés américains prépareront les JO de Los Angeles comme catalyseur d’usage.
Perspective
La fenêtre 2025-2026 peut ancrer durablement le rôle des FBO comme « maîtres d’œuvre » de l’eVTOL commercial. Ceux qui auront standardisé leurs vertiports, sécurisé leur réseau de recharge et industrialisé leurs SOP capteront les premières ondes de trafic récurrent. Reste une question stratégique : à quel rythme la demande se stabilisera-t-elle au-delà des premiers corridors ? La réponse dépendra de la fiabilité des appareils, des tarifs pratiqués et de la fluidité intermodale. Les FBO les mieux outillés joueront alors un rôle d’arbitre entre promesse technologique et réalité opérationnelle.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.