Nouveau MoU entre GKN Fokker et Airbus Helicopters pour accélérer la production et la maintenance d’hélicoptères militaires, avec un focus H225M et chaînes de valeur européennes.

GKN Aerospace, via GKN Fokker aux Pays-Bas, et Airbus Helicopters ont signé un MoU lors de la visite d’État du couple royal néerlandais à Toulouse. L’accord renforce une coopération de longue date et s’appuie sur la commande néerlandaise de 12 H225M. Il cible des briques critiques — EWIS (électrical wiring interconnection systems) et composites avancés — pour sécuriser des cadences et fiabiliser la chaîne d’approvisionnement européenne. Ce partenariat vise des gains de délais, des coûts rationalisés et une meilleure maintenabilité sur les programmes de défense, en particulier H225M et les flottes communes issues du NH90. Les volets industriels portent sur l’ingénierie, la production, le MRO et l’innovation matériaux. L’ambition est claire : créer un réseau européen plus résilient, réduire les dépendances extra-UE et soutenir l’industrialisation d’équipements livrables rapidement aux forces. À terme, cette architecture commune doit améliorer la disponibilité opérationnelle et la compétitivité face aux offres américaines.

Le cadre stratégique : un partenariat consolidé autour du H225M

Le nouvel accord formalise une étape supplémentaire dans la coopération entre les deux acteurs. Il intervient après l’officialisation de 12 H225M pour La Haye et prolonge un protocole signé en 2023. Le H225M (bimoteur lourd) demeure un socle de coopération euro-néerlandaise : capacité troupes (jusqu’à 31 soldats) ou cargo interne de 4 750 kg, missions CSAR, opérations spéciales, maritime ou soutien terrestre, à des distances régionales, avec avionique modernisée et options d’auto-protection. La montée en cadence sur ce type d’appareil exige une supply chain robuste, la sécurisation des faisceaux électriques, des harnais et des sous-ensembles composites, ainsi qu’une homogénéisation des pratiques MRO sur l’ensemble du cycle de vie.

Un ancrage néerlandais pour une base industrielle européenne

Le MoU a été signé à Toulouse lors de la visite de Leurs Majestés néerlandaises, soulignant l’ancrage du cluster aux Pays-Bas. Le rôle néerlandais dépasse l’intégration : il couvre l’ingénierie EWIS, des éléments d’aérostructures et des prestations MRO, avec l’objectif d’absorber des pics de charge et de garantir des livraisons continues vers les lignes Airbus Helicopters. L’historique NH90 au sein de NHIndustries (avec Leonardo) sert de référentiel de gouvernance industrielle, de qualité et de documentation technique.

Le périmètre technique : EWIS et composites au cœur de la performance

Le premier pilier concerne les EWIS. Les architectures de câblage doivent concilier masse, tenue thermique, CEM, facilité d’installation et d’inspection, et conformité aux normes aéronautiques. Sur H225M, la standardisation des harnais, connecteurs et chemins de câbles permet des gains de temps à l’assemblage et réduit les non-conformités. À l’échelle d’une flotte, une architecture EWIS homogène simplifie la maintenance, diminue les temps d’immobilisation et améliore la disponibilité.

Le second pilier porte sur les composites avancés (panneaux, carénages, portes, tronçons d’empennage, éléments de voilure secondaire). L’objectif est d’augmenter le ratio pièces composites/alliages pour gagner en masse, en durabilité et en résistance à la corrosion, tout en optimisant les séquences de cure, les contrôles NDT et la réparabilité. Les procédés infusés/réticulés (préimprégnés, RTM) et le contrôle numérique des stratifiés doivent apporter une répétabilité compatible avec une accélération des cadences.

Des effets attendus sur la production et le MRO

La combinaison EWIS + composites vise des gains concrets : diminution des heures d’assemblage par cellule, réduction des retouches, cycles MRO plus courts grâce à des kits standardisés, meilleure accessibilité des zones critiques, et gestion prédictive via traçabilité numérique. La chaîne documentaire commune (plans, SB, IPC) facilite l’introduction de modifications, tout en conservant l’alignement entre production et maintenance.

La logique « supply chain » : capacités, délais et résilience

Le partenariat s’inscrit dans une dynamique de renforcement des approvisionnements européens. Les objectifs portent sur l’augmentation des capacités de production (capex machines, outillages, moules, bancs EWIS), l’aménagement des flux logistiques entre sites néerlandais et chaînes d’assemblage Airbus Helicopters en France/Allemagne, et l’anticipation des risques matières (résines, fibres, connectique). L’intégration de fournisseurs de second rang dans un « panel » harmonisé doit sécuriser les délais, limiter les ruptures et stabiliser les coûts unitaires.

La gouvernance industrielle : du proto à la série

La montée en maturité prévoit des gates clairs : qualification procédés, FAI (First Article Inspection), ramp-up par lots, puis stabilisation série. Le pilotage qualité s’appuie sur des indicateurs standard (OTD, NCR/1 000, scrap rate, MTBF/MTBUR pour composants remplaçables) et sur des revues de risques périodiques. Les équipes conjointes d’industrialisation (méthodes, qualité, supply chain) devront converger vers des standards communs de SPC et de capabilité (Cpk) pour tenir les objectifs de cadence.

L’impact opérationnel pour les forces : disponibilité et polyvalence

Côté utilisateurs, les bénéfices se traduisent par une meilleure disponibilité flotte et des délais plus courts pour les rétrofits ou upgrades (communication sécurisée, capteurs, autoprotection). Les lignes mission du H225M — insertion/extraction, SAR, MEDEVAC, maritime — tirent parti d’une architecture électrique plus fiable et d’aérostructures allégées. Sur un profil typique à charge moyenne, les gains de masse cumulés peuvent offrir quelques minutes d’endurance supplémentaires ou des marges en environnement chaud/haut, utiles pour les posés en zones contraintes.

Des références transférables via le NH90

L’expérience commune sur NH90 — composites de queue, portes, trains, systèmes — a créé un langage commun technique et qualité. Cette base facilite l’adaptation des pratiques au H225M, accélère les validations et réduit la variabilité inter-lots. Les outils et process NDT, la métrologie, ainsi que les standards EWIS (routing, protection, marquage) gagnent en homogénéité, ce qui améliore la maintenabilité en ligne et en dépôt.

Les économies et les délais : où se situent les leviers

Sans annoncer de pourcentage universel, les gisements connus proviennent de cinq postes : standardisation des références EWIS, réduction des variantes, automatisation partielle de la découpe/sertissage, optimisation des cycles de cure composites, et baisse des non-qualités. À l’échelle d’une série pluriannuelle, l’effet cumulé est significatif sur le coût unitaire et sur le coût total de possession pour les États clients. Côté délais, l’alignement des jalons fournisseurs/assembleur et la mutualisation des stocks critiques (connecteurs, harnais, préimprégnés) sont déterminants pour absorber les aléas.

Le MRO comme multiplicateur d’efficacité

Le volet maintenance bénéficie d’IPC et de SB harmonisés, d’outillage commun et de kits réparation composites validés en amont. La convergence documentaire réduit l’attrition logistique et accélère les retours en ligne. Les centres MRO agréés dans l’écosystème néerlandais peuvent traiter des chantiers en parallèle des lignes d’assemblage, lissant la charge et limitant les immobilisations longues.

Une compétitivité renforcée face aux offres américaines

Sur le marché international, une supply chain européenne visible, traçable et performante est un argument face à des compétiteurs comme Bell Textron. Les campagnes export valorisent la disponibilité, la maintenance planifiée, les délais de livraison contractuels et l’empreinte industrielle locale. Le couplage Airbus–GKN Fokker, adossé à un réseau européen, répond à ces critères et soutient la proposition de valeur sur les grands appels d’offres gouvernementaux.

Une réponse aux tensions géo-économiques

Les trois dernières années ont montré la vulnérabilité des chaînes mondiales (matières, énergie, transports). Le MoU cherche à réduire ces fragilités par une régionalisation européenne de composants sensibles, une meilleure visibilité « end-to-end » et des stocks tampons dimensionnés pour les pics d’activité (maintenances majeures, rétrofits urgents).

Les prochaines étapes : de l’accord à l’exécution

À court terme, le plan d’exécution doit basculer sur des feuilles de route opérationnelles : quantités par lot, montée en puissance des lignes EWIS, capacités composites, jalons de qualification et de réception. Des KPIs partagés permettront d’objectiver les progrès : OTD > 95 %, taux de rebut en baisse continue, temps d’industrialisation réduit, et disponibilité accrue des hélicoptères en service. L’extension potentielle à d’autres plateformes (H215/H225 civil, H160M Guépard, H145M) dépendra du retour d’expérience et des arbitrages capacitaires.

Une dynamique d’écosystème

Au-delà des deux signataires, l’effet d’entraînement touche l’écosystème néerlandais et européen : PME matériaux, connectique, NDT, outillages, logiciels. Les transferts de procédés et la montée en compétences locales créent un socle exportable, tout en répondant aux objectifs de souveraineté technologique défendus par plusieurs États membres.

Perspective

Ce MoU illustre une voie pragmatique pour sécuriser des livraisons militaires dans des délais crédibles, tout en modernisant les procédés et en réduisant la variabilité industrielle. Si l’exécution tient ses promesses — qualité élevée, capabilités stables, flux logistiques prévisibles —, Airbus Helicopters et GKN Fokker disposeront d’un avantage tangible sur les programmes européens à venir. Reste à transformer ce cadre en cadences soutenues, avec des gains mesurables sur le coût de possession et la disponibilité en ligne, conditions décisives pour convaincre les clients étatiques et pérenniser l’avance européenne.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.