Apache AH-64 et Mi-28 Havoc : deux philosophies du combat hélicoptère

Apache AH-64 et Mi-28 Havoc : deux philosophies du combat hélicoptère

Comparaison détaillée entre l’Apache AH-64 et le Mi-28 Havoc : performances, armement, capteurs, survivabilité et doctrines d’emploi.

L’Apache AH-64 et le Mi-28 Havoc incarnent deux approches radicalement différentes de l’hélicoptère d’attaque moderne. L’un est issu d’une culture occidentale centrée sur la supériorité informationnelle, l’intégration réseau et l’engagement à distance. L’autre est conçu autour de la robustesse, de la résistance au combat rapproché et de la puissance de feu brute. L’AH-64E Guardian reste aujourd’hui l’un des systèmes les plus sophistiqués au monde, doté de capteurs longue portée, de missiles guidés performants et d’une avionique entièrement numérisée. Le Mi-28NM, dernière évolution russe, mise davantage sur la simplicité mécanique, un blindage massif, une capacité d’emport élevée et une endurance notable. Derrière ces choix techniques se cachent deux doctrines opposées : frappe de précision et supériorité informationnelle côté américain, appui-feu intensif et résistance au feu côté russe. Cette comparaison éclaire l’écart croissant entre deux visions du champ de bataille moderne.

Le positionnement militaire de deux hélicoptères symboles

L’AH-64 Apache et le Mi-28 Havoc s’inscrivent dans une même catégorie : celle des hélicoptères d’attaque capables d’engager chars, véhicules blindés, infrastructures et cibles mobiles de haute valeur. Pourtant, leurs objectifs initiaux diffèrent.

L’Apache naît d’un besoin américain de disposer d’un système capable de stopper des colonnes mécanisées à longue distance, jour et nuit, dans un environnement saturé de menaces. Son rôle est clair : offrir une puissance de frappe de précision, soutenue par des capteurs avancés.

Le Mi-28 Havoc, développé plus tardivement, cherche à fournir une alternative plus moderne au Mi-24 Hind, en misant sur la résistance, la puissance de feu et la capacité à opérer dans des conditions de défense aérienne intenses.

Dès l’origine, les deux machines ne répondent pas au même cahier des charges, ce qui se retrouve aujourd’hui dans leurs performances respectives.

La cellule et la motorisation : deux architectures distinctes

L’Apache, une plateforme pensée pour le combat prolongé

L’AH-64E, dernière version en production, utilise deux turbines GE T700-701D d’environ 1 448 kW chacune. Cette motorisation lui offre une vitesse maximale proche de 300 km/h et un plafond d’environ 6 400 m. Son autonomie dépasse 480 km en configuration standard (900 km avec réservoirs externes).

Sa masse maximale atteint 10 400 kg, ce qui lui permet d’emporter un armement complet et des capteurs lourds sans sacrifier ses performances.

La cellule, entièrement blindée autour de l’équipage, repose sur une construction composite conçue pour résister à des impacts de 23 mm dans certaines zones critiques. Les pales, en matériaux composites, peuvent absorber des dommages importants sans rompre.

Le Mi-28 Havoc, un blindé volant

Le Mi-28NM utilise deux turbines Klimov VK-2500P de 1 960 kW chacune. Il dispose donc d’un excédent de puissance brut supérieur à celui de l’Apache. Sa vitesse maximale atteint environ 320 km/h, pour un plafond pratique de 5 700 m. Son autonomie standard avoisine 435 km, extensible via réservoirs externes.

Sa masse maximale se situe autour de 12 000 kg, signe d’une philosophie orientée vers le blindage et la robustesse. Le cockpit est protégé contre des obus perforants de 30 mm, un niveau de protection rare dans cette catégorie.

Cette différence de conception crée un contraste net : l’Apache privilégie la précision et la légèreté tactique, tandis que le Havoc assume une vocation plus brutale et résiliente.

Les capteurs et l’avionique : l’avantage technologique de l’Apache

La supériorité du système M-TADS/PNVS

L’Apache AH-64E reste l’un des hélicoptères les mieux équipés au monde. Son système M-TADS/PNVS lui offre :

  • une longue portée de détection infrarouge (plus de 15 km selon les conditions),
  • un désignateur laser haute précision,
  • une stabilisation très fine,
  • une vision nocturne exceptionnelle.

La version AH-64E ajoute un radar Longbow monté au-dessus du rotor. Ce radar à ondes millimétriques détecte les cibles blindées jusqu’à 8–10 km, même sous pluie, fumée ou brouillard. Il peut identifier, classer et prioriser les menaces automatiquement.

L’Apache est également un élément clé des réseaux tactiques modernes : il transmet en temps réel données cibles et images via datalink, et peut même contrôler des drones en vol.

Les capteurs du Mi-28NM : des progrès réels, mais un retard persistant

Le Mi-28NM embarque une tourelle optronique modernisée, un radar monté sur mât (portée estimée entre 12 et 15 km pour la détection de cibles terrestres) et une suite de capteurs actualisée par rapport au Mi-28N.

Ces améliorations renforcent nettement la capacité de détection nocturne et par mauvais temps, domaine historiquement faible du Havoc. Toutefois, la fusion de données reste plus rudimentaire, et l’intégration réseau est limitée par rapport aux standards occidentaux.

En clair, l’avantage informationnel reste du côté américain, surtout dans un environnement interarmées numérisé.

L’armement : précision américaine contre puissance russe

Les missiles de l’Apache : coordination et précision

L’AH-64E emporte classiquement :

  • 16 missiles AGM-114 Hellfire (portée jusqu’à 8 km),
  • un canon de 30 mm M230 à cadence modérée,
  • diverses roquettes guidées ou non guidées.

Le Hellfire, dans ses versions les plus récentes, offre une pénétration élevée et une excellente résistance au brouillage. Couplé au radar Longbow, l’Apache peut engager des cibles sans exposition directe et tirer plusieurs missiles quasi simultanément grâce au mode « fire and forget ».

Les armes du Mi-28 : un arsenal impressionnant

Le Mi-28NM peut emporter :

  • 16 missiles antichars 9M120 Ataka (portée 6 km) ou des missiles 9M123 Khrizantema (portée 8–10 km),
  • un puissant canon de 30 mm 2A42 avec une cadence élevée,
  • diverses roquettes lourdes,
  • parfois des pods supplémentaires selon la mission.

Le canon russe, monté latéralement, est plus puissant et mieux adapté à la destruction de cibles légèrement blindées ou de fortifications. En revanche, il est moins précis que celui de l’Apache en mouvement.

Le Mi-28 adopte une logique d’emport maximal, tandis que l’Apache mise avant tout sur la précision et la connexion capteurs-armements.

La survivabilité : une vision russe du champ de bataille

Apache : survivre par la détection précoce

L’AH-64E mise sur :

  • la réduction de signature infrarouge,
  • les leurres modernes,
  • les détecteurs d’approche missile,
  • la coordination avec les drones,
  • l’engagement hors portée des défenses adverses.

Sa survie repose sur le fait d’éviter l’exposition et de frapper depuis la distance.

Mi-28 : survivre malgré l’exposition

Le Mi-28NM, lui, assume l’idée que l’hélicoptère sera exposé. Son cockpit en titane, ses vitres blindées épaisses de plusieurs centimètres et sa protection contre les impacts de 30 mm montrent une philosophie héritée des conflits de haute intensité.

Cet hélicoptère peut rester au contact plus longtemps, mais au prix d’une détection plus aisée et d’un pilotage plus exigeant à basse altitude.

La doctrine d’emploi : deux mondes qui ne se croisent pas

Apache : la frappe intégrée dans un système complet

L’AH-64 opère rarement seul. Il travaille avec :

  • drones,
  • unités d’artillerie,
  • forces terrestres mécanisées,
  • avions d’observation,
  • centres de commandement.

Sa force repose sur la supériorité informationnelle. Un Apache isolé perd une grande partie de ses avantages.

Mi-28 : l’hélicoptère d’assaut en première ligne

Le Havoc peut être utilisé en binôme ou en petites formations indépendantes. Il est conçu pour :

  • appuyer un assaut mécanisé,
  • neutraliser des positions retranchées,
  • accompagner des forces au sol dans des environnements saturés.

Il s’inscrit dans une logique de puissance brute et de présence prolongée.

Vers quelle évolution se dirige chacun de ces hélicoptères ?

L’AH-64E Guardian poursuit une modernisation continue centrée sur la connectivité et l’intégration avec les drones. L’objectif américain est clair : faire de l’hélicoptère un nœud tactique, plus qu’une simple plateforme d’armement.

Le Mi-28NM, de son côté, évolue vers davantage de polyvalence, notamment avec l’intégration de missiles longue portée, parfois évoqués jusqu’à 25 km, afin de réduire sa dépendance au combat rapproché.

Le fossé technologique ne se referme pas totalement, mais le Havoc gagne en pertinence dans les environnements à haute intensité où la robustesse demeure essentielle.

Une rivalité qui illustre deux visions du combat

Le duel entre Apache et Mi-28 Havoc dépasse la simple comparaison technique. Il reflète deux cultures militaires opposées : précision et réseau contre endurance et puissance. L’avenir dira si les champs de bataille privilégieront la survivabilité passive ou l’intégration numérique. Dans les deux cas, ces hélicoptères montrent que la guerre mécanisée continue de façonner des machines où chaque détail reflète une manière de penser la victoire.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.

Apache AH-64 et Mi-28 Havoc