Guizhou Scenic Tourism Development commande 50 EH216-S d’EHang pour des vols touristiques dès 2026. Décryptage technique, économique et réglementaire.
Guizhou Scenic Tourism Development, filiale de Guizhou Tourism Group, a passé commande de 50 EH216-S auprès de EHang pour déployer des services touristiques à basse altitude en Chine à partir de 2026. Ce lot, estimé à plusieurs millions d’euros, capitalise sur un cadre réglementaire déjà en place en Chine (type certificate, production certificate et premiers certificats d’exploitant) et sur la maturité technique de l’eVTOL sans pilote. L’EH216-S vise des vols courts au-dessus de sites naturels et urbains avec un rayon opérationnel de 30 à 35 km, une vitesse de croisière d’environ 100 km/h, des coûts d’exploitation bas et une empreinte sonore réduite par rapport à un hélicoptère. À l’échelle du marché, cette commande confirme l’avance chinoise dans l’économie du bas-altitude et donne le ton pour des déploiements commerciaux en Asie. Elle met aussi la pression sur les hélicoptères légers sur les segments du vol touristique et des navettes courtes, où la simplicité d’exploitation et la standardisation des opérations deviennent décisives.
L’information : une commande structurante pour le tourisme aérien
Guizhou Scenic Tourism Development a confirmé l’achat de 50 unités de l’EH216-S, l’eVTOL biplace autonome du constructeur EHang. Les appareils seront affectés à des itinéraires touristiques au-dessus de sites remarquables de la province de Guizhou, avec des vols d’observation de courte durée. Le programme s’inscrit dans une politique locale d’industrialisation de la « low-altitude economy » et d’attractivité touristique, en coopération avec les autorités d’Anshun. Les premières mises en service ciblent 2026, le temps de réceptionner les cellules, de qualifier les sites d’exploitation et de calibrer les procédures au sol.
Au plan économique, la valeur du contrat n’est pas publiée. À titre indicatif, EHang a présenté au détail des prix publics de l’ordre de 2,39 millions de yuans par unité (environ 330 000 dollars) pour l’EH216-S en 2024. Même après remises de flotte, l’enveloppe dépasse plusieurs millions d’euros, avec des retombées locales attendues sur l’écosystème de maintenance, la formation et la création d’emplois sur sites.
Le cadre réglementaire : un terreau favorable en Chine
La Chine a accordé à l’EH216-S un type certificate en octobre 2023, un production certificate en avril 2024 et les premiers certificats d’exploitant à partir de mars 2025 pour des vols commerciaux limités (principalement tourisme et sites dédiés). Ce trépied réglementaire permet à un opérateur de commander, de recevoir, puis d’exploiter l’appareil à des fins commerciales selon des manuels approuvés et des procédures standardisées.
Concrètement, pour Guizhou Scenic Tourism Development, cela signifie :
– des livraisons issues d’une ligne certifiée, avec traçabilité et contrôle qualité ;
– des opérations encadrées (trajectoires, altitudes, météo, interfaces ATC) et une responsabilité claire de l’opérateur ;
– une feuille de route pour étendre progressivement les cas d’usage (tourisme, liaisons locales, missions publiques) à mesure que l’expérience opérationnelle s’étoffe.
L’appareil : un eVTOL sans pilote pensé pour des trajets courts
La configuration et les performances
L’EH216-S est un multirotor à 16 hélices, biplace (deux passagers), autonome et piloté depuis une salle de contrôle. Les paramètres clés communiqués par le constructeur et des bases techniques indépendantes indiquent :
– vitesse de croisière autour de 100 km/h ;
– vitesse maximale d’environ 130 km/h ;
– rayon utile typique de 30 à 35 km ;
– endurance d’environ 20 à 25 minutes selon masse et conditions ;
– masse maximale au décollage d’environ 620 kg ;
– charge utile d’environ 220 kg ;
– temps de recharge standard proche de 120 minutes.
Ces caractéristiques cadrent parfaitement avec l’usage « découverte » : rotations courtes, profils simples, temps d’escale maîtrisés. La cabine pressurisée n’est pas requise ; l’altitude opérationnelle reste modérée, ce qui facilite l’intégration au-dessus de zones touristiques et périurbaines.
La sécurité et l’architecture système
La conception privilégie la redondance : 16 moteurs électriques indépendants, packs batteries segmentés, commandes de vol avec logiques de repli et contrôle continu depuis un centre d’opérations. La navigation s’appuie sur GNSS avec géorepérage, capteurs inertiels et liaisons de données 4G/5G sécurisées. L’absence de pilote à bord élimine le facteur humain en cabine mais renforce la discipline procédurale côté superviseurs et maintenance. Les profils de vol sont prédéfinis, avec des marges énergétiques conservatoires et des aires dédiées au décollage/atterrissage.
Les opérations : du site touristique au réseau de vertiports
Les sites et les flux
La province de Guizhou dispose de multiples sites emblématiques (rizières en terrasses, villages minoritaires, gorges et cascades) bien adaptés à des circuits de 10 à 15 minutes. Avec 50 appareils, un schéma plausible serait une répartition par grappes de 4 à 8 eVTOL par site, assurant des cadences en haute saison. Sur une base de 6 rotations par heure et par appareil en pic d’activité, la capacité journalière peut rapidement atteindre plusieurs centaines de sièges sur un seul site, à condition d’optimiser l’avitaillement électrique, les flux passagers et la maintenance en ligne.
L’infrastructure au sol
Les « verti-sites » exigent :
– des aires balisées, clôturées et équipées de systèmes d’asservissement ;
– des bornes de charge dimensionnées, une gestion thermique des batteries et une redondance d’alimentation ;
– des cheminements passagers et une information sécurité claires ;
– des capteurs météorologiques locaux et un réseau de caméras pour la conscience de la situation.
Le modèle économique privilégie des sites standardisés, reproductibles et faciles à auditer. L’échelle de 50 unités justifie d’emblée des procédures industrielles (stocks, pièces critiques, outils de diagnostic, formation initiale et récurrente).
L’équation économique : coûts, recettes et productivité
Les coûts d’exploitation
L’eVTOL électrique présente un coût direct dominé par l’électricité, l’usure des rotors, la surveillance batterie et la maintenance préventive. Par rapport à un hélicoptère à piston léger, la facture énergétique et l’entretien courant sont plus faibles, et il n’y a pas d’huile, pas de boîtes de transmission complexes, ni de grande visite moteur. En revanche, le coût batterie (remplacement périodique) devient un poste clé, d’où l’importance d’un pilotage fin des cycles et des températures.
Les recettes et la tarification
Le vol touristique court repose sur un yield au siège élevé : l’expérience prime sur la distance. En Chine, des pilotes commerciaux de l’eVTOL ont déjà pratiqué des tarifs « attraction » pour des survols de 10 à 15 minutes. La standardisation des trajets, la répétabilité et le faible temps de préparation accroissent la productivité par appareil. À l’échelle d’un parc de 50 unités, les effets d’apprentissage sur la maintenance et les opérations (pièces communes, procédures, formation) créent des économies d’échelle.

Les effets marché : concurrence avec l’hélicoptère et accélération asiatique
Le face-à-face avec l’hélicoptère léger
Sur un vol touristique de 10 minutes, l’hélicoptère offre davantage d’allonge mais au coût/siège-km plus élevé et avec des nuisances sonores supérieures. L’EH216-S mise sur la simplicité : itinéraires courts, bruit contenu et interfaces passagers modernes. Pour les gestionnaires de sites, l’eVTOL réduit les contraintes de carburant et simplifie l’implantation d’aires dédiées. Sur les segments purement touristiques, l’hélicoptère garde un avantage pour les vols longs et la polyvalence ; l’eVTOL est mieux placé pour les navettes répétitives, à proximité de zones habitées.
L’Asie comme terrain de jeu naturel
Au-delà de la Chine, plusieurs destinations asiatiques testent des survols « sightseeing » par eVTOL. L’existence d’un cadre chinois complet (certification de type, production et exploitation) sert de référence régionale et peut accélérer des accords bilatéraux ou des démonstrateurs commerciaux. La commande de Guizhou agit comme signal : disponibilité industrielle, acceptabilité politique et retours d’expérience exploitables à court terme.
La technique au service de l’acceptabilité
Le bruit, les trajectoires et la transparence
Le multirotor électrique réduit les basses fréquences caractéristiques des rotors d’hélicoptères. Couplé à des trajectoires standard hautes et à l’évitement des zones sensibles, il améliore l’acceptabilité. Les données de vol (enregistrement des positions, altitudes, vitesses) permettent d’objectiver l’empreinte sonore et d’ajuster les couloirs en coordination avec les autorités locales.
La sûreté opérationnelle
Le modèle sans pilote exige une cyber-hygiène stricte : chiffrement des communications, supervision des liaisons, gestion des pannes de données et procédures de repli. Les zones touristiques fermées et balisées limitent les risques de tierces parties et facilitent la mise en place de barrières successives (techniques et organisationnelles).
Les risques à surveiller : batteries, météo et montée en charge
Trois risques dominent la montée en puissance 2026 :
– la durabilité des batteries sous cadences touristiques élevées et températures estivales, avec une politique de remplacement préventif ;
– la météo en relief (vents, pluies convectives), qui impose des seuils d’annulation clairs et une communication transparente au public ;
– la logistique de 50 appareils : disponibilité des pièces, qualification des techniciens, gestion des immobilisations.
La réponse tient dans la planification : dimensionner les stocks, outiller les diagnostics prédictifs, séquencer les mises en service par site et bâtir des indicateurs partagés (sécurité, ponctualité, satisfaction, bruit).
La portée stratégique : un jalon pour la « low-altitude economy »
La commande consolide le leadership de EHang sur le marché chinois des eVTOL commerciaux. Elle crédibilise la filière auprès des collectivités qui veulent monétiser leurs paysages par des expériences aériennes propres et traçables. Elle nourrit enfin un tissu d’emplois qualifiés — opérateurs, techniciens, superviseurs — et dynamise des chaînes de valeur locales (énergie, numérique, maintenance). Si les performances tiennent leurs promesses et si la réglementation continue d’évoluer, l’eVTOL autonome s’imposera comme une alternative concrète sur les trajets courts, là où l’hélicoptère devient économiquement et socialement moins pertinent.
La suite : passer du pilote à la série
2026 sera l’année du test à grande échelle : qualité de service en haute saison, robustesse énergétique, fiabilité flotte et expérience passager. Les premiers mois diront si l’on peut basculer de la démonstration à une exploitation répétable, avec des créneaux à la minute et une promesse claire sur la sécurité, le prix et le confort. Pour les destinations asiatiques voisines, la fenêtre s’ouvre : mutualiser les retours d’expérience, harmoniser les standards et bâtir des réseaux transfrontaliers de tourisme aérien bas-carbone.
HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.