Joby absorbe Blade et accélère l’air taxi à New York et Europe

Joby absorbe Blade

Joby Aviation finalise le rachat de la branche passagers de Blade et gagne un réseau immédiat à New York et en Europe du Sud, avec intégration à l’app Uber dès 2026.

En résumé

Joby Aviation a finalisé l’acquisition de la branche passagers de Blade Air Mobility, scellant un changement d’échelle pour l’urban air mobility. Le périmètre englobe les terminaux et lounges de Blade à New York et en Europe du Sud, ainsi qu’une base de clients récurrents qui a dépassé 50 000 passagers en 2024. L’opération, valorisée jusqu’à 125 M$ (environ 118 M€), exclut l’activité médicale, devenue Strata Critical Medical, et vise une intégration rapide des services dans l’app Uber dès 2026. Pour Joby Aviation, leader du eVTOL, ce rachat abaisse la barrière d’entrée opérationnelle : accès aux couloirs existants Manhattan–aéroports, “derniers mètres” déjà huilés côté salons et transferts, tarification connue, et équipes aguerries. En parallèle, Joby poursuit sa FAA certification et prépare la montée en cadence industrielle. Le résultat attendu : des services d’air taxi électriques sur des trajets courts de 20 à 50 km, plus silencieux qu’un hélicoptère et insérés dans des parcours multimodaux fluides.

Le rachat qui change l’échelle

Le périmètre et le calendrier

L’accord annoncé début août 2025 prévoyait l’acquisition de la branche passagers de Blade, pour un montant pouvant atteindre 125 M$, payé principalement en actions. La clôture est intervenue le 29 août 2025, avec transfert des équipes commerciales et opérationnelles. La division médicale de Blade est restée hors périmètre et a pris le nom Strata Critical Medical (ticker SRTA). Cette architecture permet à Joby d’intégrer un opérateur urbain déjà rentable côté passagers, tout en nouant un partenariat séparé pour les missions médicales.

Les actifs concrets

Au-delà du portefeuille de clients, Joby récupère l’essentiel qui manque souvent aux nouveaux entrants : des terminaux dans les points stratégiques (JFK, Newark, hélistations de Manhattan), des procédures éprouvées pour le “curb-to-rotor” et un maillage européen saisonnier sur la Côte d’Azur. Blade a transporté plus de 50 000 passagers en 2024 via une douzaine de terminaux urbains, cadre idéal pour convertir progressivement l’offre hélico en zéro émission dès l’arrivée des eVTOL.

Le réseau existant à New York et en Europe du Sud

Les liaisons new-yorkaises

À New York, Blade opère des liaisons régulières entre Manhattan et les aéroports de JFK et Newark, avec des temps de vol typiques de 7 à 9 minutes et des créneaux étendus en heures de pointe. Les lounges Blade West 30th Street et East 34th Street concentrent les départs “by-the-seat”, avec un transfert terrestre orchestré jusqu’aux terminaux. Ces flux sont suffisamment denses pour offrir un laboratoire temps réel aux futurs eVTOL de Joby. La région new-yorkaise a accueilli près de 146 millions de passagers aériens en 2024, fournissant un bassin de connexions idéal à l’air taxi.

Les lignes de la Côte d’Azur

En Europe du Sud, Blade s’est spécialisé sur Nice–Monaco, un vol de 7 minutes qui contourne des embouteillages chroniques sur 20 à 30 km. Les billets “by-the-seat” débutent autour de 195 € et s’appuient sur une chaîne au sol déjà intégrée (compteurs aéroportuaires, transferts vers le terminal commercial, navettes en Principauté). Ce socle opérationnel est directement transposable à l’eVTOL, dont le faible bruit et l’absence d’émissions locales répondent aux contraintes littorales et urbaines.

L’intégration à l’app Uber, accélérateur d’adoption

Le parcours utilisateur unifié

Joby et Uber ont annoncé l’ajout des vols Blade dans l’app Uber dès 2026, d’abord en hélicoptère puis en eVTOL au fil des certifications. L’objectif est simple : unifier le porte-à-porte en une seule réservation, en combinant VTC, air taxi et correspondances aéroportuaires. Ce “front-end” commun réduit la friction d’usage, augmente le taux de remplissage et délivre une donnée précieuse pour optimiser fréquences et pricing dynamique.

Les volumes et la visibilité

L’app Uber apporte un levier d’audience massif. Dans une métropole où les pics aéroportuaires se chiffrent en millions de passagers par mois, convertir ne serait-ce que quelques milliers de trajets routiers en vols de 8 à 10 minutes crée un effet vitrine pour l’urban air mobility. À court terme, les vols resteront assurés par hélicoptères certifiés ; à moyen terme, le basculement vers les eVTOL fera baisser le coût par siège-kilomètre, le bruit et l’empreinte carbone locale.

La proposition de valeur eVTOL de Joby

Les métriques clefs

L’appareil de Joby vise une vitesse de croisière d’environ 320 km/h (200 mph) et une autonomie d’environ 160 km (100 miles) par charge, en configuration pilote + quatre passagers. Sur un profil Manhattan–JFK d’environ 25 km, un vol consommant une fraction de la capacité batterie suffit, laissant des marges de réserve réglementaires. Le gain temporel est tangible : 7 à 9 minutes en vol contre 45 à 90 minutes par la route aux heures denses.

Le bruit comme sésame urbain

Le bruit conditionne l’acceptabilité. Les essais menés avec la NASA ont enregistré environ 45 dBA au sol lors d’un passage à 500 m (1640 ft) et ~185 km/h (100 kt), un niveau inférieur au fond sonore de nombreux quartiers. Cette signature “souffle” éloigne l’eVTOL des profils acoustiques d’hélicoptères, ce qui facilite l’obtention de créneaux sur hélistations existantes et l’ouverture de vertiports intra-urbains.

La feuille de route de certification et d’industrialisation

Les jalons FAA et l’horizon 2026

Joby poursuit sa FAA certification (certificat de type, production, opérations) avec des vols d’essais encadrés et des évaluations pilotes. La cible d’entrée en service se cale autour de 2026, d’abord sur des couloirs “connus” par Blade, là où la logistique, les procédures ATC et l’expérience client sont déjà en place. Ce séquençage limite les risques d’intégration et concentre l’effort sur la fiabilité flotte.

La montée en cadence

Le passage de la présérie à la production requiert investissements industriels, sécurisation de la supply chain batterie et formation des équipages. L’acquisition de Blade offre un “tampon” opérationnel : tant que la flotte eVTOL n’est pas au niveau, l’offre reste délivrée par hélicoptère, sans casser l’habitude client ni la courbe d’apprentissage des opérations au sol.

Le modèle économique et opérationnel

Le panier de lignes courtes

Les lignes typiques – 20 à 50 km – maximisent les rotations et minimisent le temps de recharge. L’eVTOL vise un coût par siège inférieur à l’hélico sur ces segments, grâce à une maintenance électrique plus prévisible et à la suppression du carburant. La base Blade permet de tester plusieurs granules de demande : trajets aéroportuaires quotidiens, point-à-point premium, dessertes saisonnières Europe du Sud.

Les terminaux comme avantage défendable

Le “hardware au sol” est clé : salons, process d’embarquement, connexions landside/airside. Blade a bâti des terminaux à Manhattan et au plus près des portes d’embarquement à JFK/EWR, avec des protocoles d’accompagnement qui réduisent la variabilité de parcours. Cette granularité opérationnelle est difficile à copier rapidement et constitue un rempart concurrentiel pour Joby Aviation.

Les effets de réseau : données, tarification, expérience

La donnée temps réel

L’adossement à Uber révélera des patterns fins de demande : peaks par terminal, appétence prix, sensibilité météo. Cela alimente l’algorithme de planification : fréquences, jumelages de flux aller/retour, “deadheads” réduits. La conversion d’une partie des couloirs Blade en eVTOL deviendra alors une question d’optimisation, pas d’intuition.

L’expérience client

Les standards Blade – accueil lounge, transferts, bagages – resteront la norme, avec un saut qualitatif attendu au moment du passage à l’eVTOL (vibration et bruit réduits, accélération plus douce). La promesse est cohérente : une expérience premium, mais industrialisée, compatible avec des volumes quotidiens sur des axes réguliers.

Les enjeux et risques à surveiller

La régulation urbaine

L’expansion dépend d’autorisations locales (créneaux, heures de vol, trajectoires) et de la disponibilité de points de recharge haute puissance près des pistes ou hélistations. Les collectivités urbaines demandent des garanties sur bruit, sûreté et gestion des flux. La présence historique de Blade sur ces sites constitue un atout d’acceptabilité.

La concurrence et la synchronisation

Archer Aviation et d’autres acteurs avancent aussi. L’avantage de Joby Aviation repose sur la synchronisation “produit + réseau + distribution”. Si l’un des trois patine – certification, industrialisation, intégration app – l’écart se réduit. Inversement, si la bascule hélico→eVTOL se déroule sans heurts, l’effet de réseau peut verrouiller New York et l’Europe du Sud avant l’entrée des concurrents.

La transaction Blade offre à Joby un raccourci rare : des clients, des terminaux et des créneaux là où la demande est la plus lisible. L’année 2026 dira si cette avance se traduit en lignes régulières eVTOL à grande visibilité, avec un signal fort envoyé aux autorités et aux marchés que la mobilité aérienne urbaine entre dans l’âge opératoire.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.

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