La certification pour vol en conditions givrantes connues impose des critères techniques stricts aux hélicoptères. Voici les exigences en détail.
Une exigence cruciale pour la sécurité aérienne des hélicoptères
Le vol en hélicoptère dans des conditions givrantes connues constitue un défi opérationnel majeur. Le givre en vol modifie l’aérodynamique, alourdit l’appareil, perturbe les capteurs et peut dégrader sévèrement la portance. Pour être autorisé à voler en atmosphère connue comme propice au givrage – selon les critères de l’EASA ou de la FAA –, un hélicoptère doit faire l’objet d’une certification spécifique, qui impose des tests rigoureux, des modifications techniques substantielles et une documentation précise.
Il ne s’agit pas d’une simple option technique. Un hélicoptère non certifié pour le vol en givrage ne peut légalement pénétrer dans une zone où le givrage est signalé ou prévu. Cette restriction impacte directement les missions d’urgence, les opérations militaires, les services héliportés en montagne ou dans les zones subarctiques. À l’inverse, disposer de cette certification élargit considérablement la flexibilité opérationnelle.
Les exigences imposées aux constructeurs reposent sur une série de critères définis par les réglementations CS-29 (EASA) et FAR Part 29 (FAA). Elles couvrent notamment la protection des pales, des prises d’air moteur, des instruments de vol et de la cellule contre l’accumulation de glace. Ces systèmes doivent fonctionner de manière autonome, être redondants, testés dans des environnements simulant les pires cas de givrage, et maintenir l’aéronef dans une plage de vol sûre durant toute la durée de l’exposition.
Aujourd’hui, seuls quelques modèles commerciaux d’hélicoptères disposent d’une telle certification, en raison de la complexité et du coût qu’elle implique. L’Airbus H175, le Leonardo AW139 ou le Sikorsky S-92 sont parmi les rares à répondre aux critères de manière complète. La certification des hélicoptères pour le vol en givrage est donc un marqueur clair de maturité industrielle et de capacité opérationnelle avancée.
Un référentiel normatif précis et rigoureux
Les critères de certification des hélicoptères pour vol en conditions givrantes connues sont définis dans le chapitre 29.1419 du FAR Part 29 pour la FAA, et repris à l’identique dans la norme CS-29.1419 pour l’EASA. Ce référentiel établit les exigences techniques et les méthodes de démonstration nécessaires pour qu’un hélicoptère soit qualifié pour évoluer dans les atmosphères contenant des gouttelettes d’eau surfondues, principale cause de givrage en vol.
La réglementation impose que l’appareil soit capable de fonctionner en toute sécurité dans des conditions définies comme « connues », c’est-à-dire documentées et prévisibles, avec des températures comprises entre 0 °C et -20 °C, et des concentrations en eau liquide allant jusqu’à 0,6 g/m³, selon les standards de l’Appendix C du document FAA AC 29-2C. L’appareil doit également rester contrôlable dans des situations de formation asymétrique de glace, notamment sur les pales du rotor principal ou les bords d’attaque des stabilisateurs.
Le processus de certification comprend :
- une analyse thermodynamique complète des zones à risque sur l’hélicoptère,
- l’installation de systèmes anti-givrage ou dégivrants, incluant souvent des éléments chauffants électriques ou des conduites d’air chaud,
- des essais au sol en chambre climatique, reproduisant les régimes de vol dans des conditions contrôlées,
- des essais en vol dans des environnements naturels de givrage, parfois réalisés en Alaska, au Canada ou dans certaines zones des Alpes.
Tous les systèmes de dégivrage doivent être indépendants de la seule alimentation électrique standard de bord. En cas de panne, une source secondaire d’énergie ou une procédure de repli doit être prévue. Les tests doivent démontrer que même en cas de formation de givre sévère, l’appareil conserve des marges de manœuvre acceptables et que les instruments critiques (horizon, vitesse, altitude, cap) restent fiables.
Le coût de ce processus est élevé. La certification pour vol en givrage connu représente un investissement moyen de 15 à 25 millions d’euros pour un hélicoptère civil de taille moyenne, hors développement du système lui-même. Cela limite sa recherche aux segments les plus exigeants – offshore, SAR, militaires – et explique l’absence de cette option sur de nombreux hélicoptères légers.

Des équipements spécifiques pour une protection complète
Un hélicoptère certifié pour vol en conditions givrantes connues doit intégrer un ensemble de systèmes techniques couvrant toutes les zones critiques. Les équipements les plus courants sont les suivants :
- Protection des pales du rotor principal : les zones d’entrée d’air et les bords d’attaque des pales sont chauffés électriquement par des bandes résistives ou via de l’air chaud prélevé sur le moteur (bleed air). Le système est séquencé pour protéger alternativement les pales selon leur position, afin d’éviter un déséquilibre dynamique.
- Protection des rotors anticouple : ces éléments, plus fins, sont souvent équipés de bandes chauffantes continues ou d’un carénage redessiné pour limiter l’accumulation de givre.
- Dégivrage des vitres du cockpit : effectué par un double vitrage chauffant ou par film transparent conducteur, capable de maintenir la température de surface au-dessus du point de congélation.
- Dégivrage des prises d’air moteur : le système est souvent redondant (chauffage électrique plus anti-ice mécanique), avec des capteurs d’humidité intégrés pour déclencher automatiquement la protection. La présence de givre dans les circuits d’admission peut entraîner un calage moteur immédiat.
- Sondes pitot et instruments : les sondes de vitesse, de pression et d’altitude sont systématiquement chauffées. La norme impose un temps de mise en température inférieur à 5 secondes, avec un niveau de redondance pour chaque capteur.
- Capteurs de givrage : sur certains modèles récents (comme le Bell 525 ou le H160), des capteurs infrarouges ou vibrants détectent la formation de givre en amont de toute accumulation visible.
Tous ces éléments sont commandés via un panneau de gestion centralisé, permettant au pilote d’activer les protections par segment ou automatiquement selon les paramètres environnementaux. La maintenance de ces systèmes fait l’objet d’un suivi rigoureux, avec des inspections périodiques détaillées et des consignes spécifiques en cas de vol prolongé dans les zones givrantes.
Ces équipements ajoutent entre 90 et 300 kg à la masse à vide de l’appareil selon sa catégorie, impactant directement la charge utile. Ils génèrent également une consommation électrique supplémentaire de 6 à 15 kW, nécessitant des alternateurs de puissance renforcés ou une turbine auxiliaire dans certains cas. Ce surcroît de complexité rend leur adoption difficile sur des hélicoptères de moins de 3 tonnes.
Des applications opérationnelles et des limites pratiques
La certification des hélicoptères pour les vols dans des conditions de givre connu est devenue un facteur discriminant dans plusieurs domaines d’exploitation. Le secteur offshore, par exemple, impose cette capacité pour les liaisons vers les plateformes pétrolières situées au large de la Norvège, du Canada ou de la mer du Nord. Le Leonardo AW139, certifié givrage depuis 2014, est devenu un standard de fait dans ces zones.
De même, les missions de recherche et sauvetage (SAR) en montagne ou en milieu arctique requièrent cette capacité. Le Sikorsky S-92, utilisé par les garde-côtes canadiens, est équipé d’un système complet de dégivrage et a démontré sa capacité à maintenir une vitesse de croisière de 280 km/h même sous formation de givre modérée.
Côté civil, les opérateurs d’évacuation sanitaire en région alpine ou dans le nord de l’Europe commencent à exiger cette option, bien qu’elle alourdisse le coût d’exploitation de 20 à 30 % par rapport à un modèle classique. L’Airbus H175, certifié depuis 2018, est utilisé dans ce cadre par plusieurs compagnies d’ambulance aérienne.
Malgré ces avancées, de nombreux hélicoptères restent non certifiés pour le givrage connu. Ils doivent s’en remettre à la règle dite « d’évitement », c’est-à-dire à l’interdiction de pénétrer dans des zones météorologiques préalablement identifiées comme givrantes. Cela suppose une planification de vol stricte, des marges de sécurité importantes, et une surveillance météo continue. Les imprévus restent fréquents, et des déroutements sont réguliers en saison froide.
La demande pour des appareils certifiés reste donc limitée à des segments où la continuité de mission prime sur le coût. Dans les autres cas, l’option givrage reste souvent perçue comme une dépense technique difficilement justifiable, en particulier dans les contrats publics ou les marchés à faibles marges.
HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère