La France envoie un Fennec au Danemark contre des drones suspects

hélicoptère Fennec

Paris dépêche 35 militaires, un hélicoptère Fennec et des moyens de lutte anti-drones pour sécuriser l’espace aérien danois lors des sommets européens des 1er et 2 octobre.

En résumé

Le 29 septembre, la France a décidé d’appuyer le Danemark après une série d’intrusions de drones au-dessus d’infrastructures sensibles, dont l’aéroport de Copenhague. Un détachement temporaire de 35 militaires, un hélicoptère Fennec et des moyens de lutte anti-drones ont été projetés afin d’épauler les forces locales dans la surveillance et la protection de l’espace aérien danois avant un sommet européen informel (1er octobre) et la réunion de l’European Political Community (2 octobre) à Copenhague. L’opération s’inscrit dans un cadre de solidarité entre alliés face aux menaces hybrides : l’Allemagne et la Suède ont également annoncé des renforts spécialisés, tandis qu’une frégate allemande de défense aérienne a pris position à Copenhague. Le Fennec, déjà employé en interception basse couche et doté d’une capacité de brouillage expérimentée, fournit une réponse mobile et réactive pour détecter, identifier et, si nécessaire, neutraliser des drones à faible signature. L’enjeu : protéger des sommets à haute visibilité en limitant les perturbations civiles et en maîtrisant un coût opérationnel raisonnable.

La décision et le contexte immédiat

La multiplication de survols de drones non identifiés depuis la nuit du 22 au 23 septembre a mis le Danemark sous pression. L’aéroport de Copenhague a été partiellement fermé pendant plusieurs heures, avec près de 100 vols annulés, 31 déroutés et environ 20 000 passagers affectés. Des incursions ont aussi été signalées à proximité de bases et d’installations militaires, nourrissant l’hypothèse d’actions de test ou d’intimidation relevant des menaces hybrides. Pour réduire le risque d’ambiguïté, Copenhague a interdit tous les vols de drones civils du 29 septembre au 3 octobre. Dans cette fenêtre, la capitale accueille deux rendez-vous majeurs : un Conseil européen informel au palais de Christiansborg (1er octobre) et la septième réunion de l’European Political Community (2 octobre) au Bella Center. L’effet d’entraînement sur les dispositifs de sûreté aérienne est immédiat : montée en puissance des moyens nationaux, renforts alliés et coordination politico-militaire accrue.

Le dispositif français : les moyens, la mission, le calendrier

La France déploie un détachement interarmées d’environ 35 spécialistes, un hélicoptère Fennec et des capacités contre-UAS actives. L’objectif est double : contribuer à la bulle de sûreté aérienne au-dessus de Copenhague et épauler les autorités danoises dans la détection, l’identification et la neutralisation proportionnée d’aéronefs sans pilote. Le détachement est calibré pour opérer en environnement urbain dense, avec des règles d’engagement strictes et une articulation étroite avec la police et l’aviation civile. Le Fennec assure des patrouilles à basse altitude, la reconnaissance visuelle et l’appui aux équipes au sol. Selon les autorités européennes, la présence de renforts alliés couvre l’ensemble de la semaine des sommets et se prolonge quelques jours après, le temps d’absorber le pic de menace et d’évaluer la situation.

Le Fennec et la lutte anti-drones : doctrine et capacités

Hélicoptère léger bimoteur (classe 2,6 t), le Fennec de l’Armée de l’Air et de l’Espace est certifié IFR et destiné aux missions de police du ciel en basse couche. Il combine manœuvrabilité, endurance et capteurs optroniques pour l’identification à vue. Vitesse maximale de l’ordre de 248 km/h (134 nœuds), plafond voisin de 7 000 m, rayon d’action d’environ 600 km : ces paramètres favorisent des orbites de surveillance au-dessus d’axes critiques (approches aéroportuaires, corridors logistiques, sites gouvernementaux). Historiquement, le Fennec travaille en binôme avec des équipes au sol équipées de radars de courte portée, de goniomètres radiofréquence, de moyens de brouillage et, en dernier ressort, de cinétiques. Certaines configurations intègrent un tireur d’élite embarqué pour neutraliser un petit drone par tir sélectif, lorsque l’environnement le permet. La France a, par ailleurs, expérimenté depuis un Fennec des modules de perturbation RF, illustrant une capacité de brouillage aéroportée. Ce concept d’emploi, rodé lors de grands événements sur le territoire national, est transposable dans la capitale danoise, où les distances et l’urbanisme imposent des créneaux d’intervention très courts.

La coordination OTAN : les renforts alliés et l’architecture de sûreté

Le déploiement français s’inscrit dans une réponse plus large. L’Allemagne envoie environ 40 militaires dotés d’équipements de détection, d’identification et de neutralisation. Une frégate allemande de défense aérienne a accosté à Copenhague pour renforcer la surveillance de l’espace aérien et des approches maritimes. La Suède a projeté des moyens contre-UAS et des unités radar supplémentaires. Cette architecture multiniveau associe capteurs fixes et mobiles, radars de veille, goniométrie RF, caméras à longue focale et brouilleurs, afin de couvrir les axes d’approche et d’imposer des délais de réaction courts. L’ensemble est synchronisé avec l’aviation civile et la navigation aérienne, dans l’objectif de limiter les fermetures d’espace et de préserver la fluidité des vols commerciaux.

Les chiffres et l’efficacité attendue

Les autorités danoises ont rapporté, en quelques jours, des dizaines de signalements, dont une partie infondés, et plusieurs survols avérés au-dessus de sites sensibles. La fermeture temporaire de l’aéroport principal a montré l’impact économique potentiel : une demi-journée de perturbation majeure pèse instantanément sur les compagnies aériennes, les opérateurs au sol et les passagers. Le dispositif allié vise précisément à abaisser ce risque. D’un point de vue opérationnel, l’efficacité se mesure à quatre paramètres : la réduction des intrusions avérées ; la décroissance des fermetures d’espace aérien ; la capacité à attribuer les incidents (techniques d’enquête RF, trajectographies, analyses de signature) ; et la maîtrise du risque collatéral en zone urbaine. Le Fennec apporte une plus-value décisive dans la phase d’identification visuelle — là où un radar peut hésiter entre oiseau, ballon et micro-UAS — et dans la conduite d’interceptions « souples » adaptées à un environnement civil.

Le budget et le coût opérationnel

L’ordre de grandeur du coût horaire estimé pour un Fennec en parc français, hors salaires, a été abaissé ces dernières années autour d’environ 1 800 € par heure de vol (contre ~3 500 € auparavant), sous l’effet d’accords de soutien en service. Si l’on considère, à titre indicatif, 3 à 5 sorties quotidiennes de 1 h 30 chacune pendant la période des sommets, l’effort représenterait de 8 000 à 15 000 € par jour pour la seule composante aérienne. À cela s’ajoutent le transport et l’hébergement des 35 spécialistes, la logistique, l’amortissement et/ou la location des moyens contre-UAS (capteurs, brouilleurs, commandement), et les coûts de coordination inter-agences. En miroir, le coût d’une fermeture d’aéroport international de plusieurs heures — 100 vols annulés, milliers de passagers ré-accommodés — se chiffre rapidement en millions d’euros pour l’écosystème aérien. Le rapport coût/bénéfice plaide donc pour un déploiement préventif, proportionné et limité dans le temps, surtout lorsque l’alerte se superpose à un agenda diplomatique de premier plan.

Les risques, les limites et les enseignements

Neutraliser un drone en ville reste délicat. Le tir cinétique est rarement privilégié en raison du risque de chute d’épaves. Le brouillage peut provoquer une perte de contrôle et une retombée aléatoire si la géométrie n’est pas maîtrisée. Les opérateurs malveillants peuvent aussi recourir à des liaisons durcies, à des trajectoires rasantes, ou à des essaims saturants. La réponse passe donc par la superposition de couches : interdiction temporaire des vols de loisirs, communication publique pour réduire les faux positifs, maillage capteurs RF/optronique, intercepteurs non cinétiques et équipes d’intervention au sol coordonnées avec l’aéronautique civile. Copenhague devient, à ce titre, un cas d’école européen : validation des chaînes décisionnelles en très court terme, stress-test des interopérabilités et renforcement de la résilience face à des actes difficiles à attribuer.

La portée stratégique pour l’Europe

Au-delà du soutien immédiat, l’épisode danois accélère une réflexion continentale : construire une trame contre-UAS permanente autour des hubs aéroportuaires, des bases, des ports et des sièges institutionnels. La France, qui a sécurisé des événements massifs ces dernières années, capitalise une expérience précieuse — capteurs multi-bandes, coordination civilo-militaire, procédures de tir sélectif, emploi d’hélicoptères d’interception basse couche — qu’elle met ici au service d’un allié OTAN et d’un partenaire de l’UE. Cette coopération opérationnelle, doublée d’un partage de retour d’expérience technique (profil des drones, procédures efficaces, angles morts identifiés), nourrit la montée en gamme européenne face à une menace qui restera polymorphe.

La suite opérationnelle

Une fois les sommets passés, la priorité sera d’exploiter le retour d’expérience : cartographie des vecteurs observés, consolidation des bases de données de signatures, audit des capteurs (taux de détection, taux de fausses alarmes), et mise à jour des règles d’engagement. Côté capacités, la tendance va à la modularité : moyens légers déployables, intégration des flux capteurs dans des centres de coordination, et mutualisation alliée lors des pics de menace. L’hélicoptère Fennec illustre cette logique : plateforme éprouvée, coûts contenus, effets concrets sur la détection et l’identification — à condition d’être insérée dans une architecture multi-capteurs et appuyée par des moyens de neutralisation proportionnés.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.

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