Odys Aviation lève 26 M$ pour accélérer les essais en vol de son eVTOL hybride-électrique Laila et lancer des opérations pilotes mondiales dès 2026.
Odys Aviation a bouclé une série A de 26 M$ afin d’accélérer les essais en vol à l’échelle 1 de son eVTOL hybride-électrique et de préparer des démonstrations opérationnelles dès le premier trimestre 2026. La startup, basée à Long Beach, vise un déploiement « dual-use » cargo/défense avant une extension vers le transport de passagers. Sa feuille de route s’appuie sur des jalons techniques 2024-2025 (intégration de la propulsion hybride, vols d’essai, cadres JARUS/SORA) et sur des programmes pilotes annoncés au Moyen-Orient et dans le Pacifique. La proposition d’Odys repose sur une architecture VTOL combinant décollage/atterrissage électriques et croisière au carburant durable SAF, avec un objectif de réduction des émissions pouvant atteindre 80 % sur le cycle de vie selon l’usage de SAF et les profils de mission. En se positionnant sur des liaisons régionales longues, la société entend compléter l’urban air mobility et s’imposer comme un acteur de référence de la mobilité aérienne durable.
Le financement et la feuille de route industrielle
La série A de 26 M$ intervient pour accélérer l’embauche, la qualification et les essais en vol grandeur nature aux États-Unis. L’objectif est d’ouvrir, dès 2026, des « Customer Proof of Concept » avec des clients identifiés, sur des routes régionales réelles. Ce calendrier s’appuie sur des étapes déjà franchies : intégration du groupe motopropulseur hybride, première campagne d’essais, et cadrage réglementaire selon le référentiel JARUS/SORA 2.5 (catégorie spécifique, évaluation de risques opérationnels). La stratégie vise des usages cargo non habité et défense, où le cadre réglementaire permet une entrée sur le marché plus rapide, avant de converger vers des variantes avec équipage.
Des programmes pilotes à l’international
Odys a officialisé un programme Proof of Concept avec les autorités d’aviation civile du Sultanat d’Oman, pour des opérations à partir de 2026. Dans le Pacifique, une lettre d’intérêt signée avec Fiji Airways prévoit des pilotes cargo sur des îles difficiles d’accès, avec une portée pouvant relier l’archipel sans infrastructures aéroportuaires lourdes. Ces deux ancrages matérialisent la stratégie d’Odys : tester un écosystème AAM complet (appareil, vertiports, supervision, stations au sol, intégration espace aérien) plutôt qu’un simple vol de démonstration.
L’architecture technique : un VTOL hybride-électrique de portée régionale
La proposition d’Odys se distingue par une configuration VTOL à propulsion hybride-électrique : la phase VTOL utilise l’énergie électrique (batteries) pour limiter bruit et émissions au sol, tandis que la croisière s’appuie sur un groupe électrogène (génératrice entraînée par turbine) compatible SAF. Cette combinaison atténue les limites de densité énergétique des batteries et ouvre des rayons d’action régionaux que les eVTOL tout-électriques n’adressent pas encore.
Les performances cibles et les conversions métriques
Les caractéristiques communiquées placent l’appareil dans la catégorie « régional rapide » :
– Vitesse de croisière cible jusqu’à 555 km/h (345 mph).
– Portée hybride jusqu’à 1 200 km (750 mi) selon la variante et le profil.
– Portée tout-électrique d’environ 320 km (200 mi).
– Altitude d’évolution jusqu’à 9 100 m (30 000 ft).
– Capacité de 9 passagers ou de fret équivalent selon configuration.
Ces valeurs, issues des différentes itérations de concept et de produit, montrent un compromis où l’endurance en croisière et la charge utile priment pour des liaisons interurbaines et régionales hors des grands hubs.
La gamme produit : Laila aujourd’hui, Alta demain
Odys structure son offre autour de deux plateformes. Laila cible d’abord des missions cargo et uncrewed (logistique, défense, inspection, médical), avec des opérations runway-independent et une endurance multi-heures. Alta, variante de plus grande capacité, vise des charges utiles plus élevées et des liaisons VTOL régionales à plus longue portée. Le choix de commencer par Laila répond à une logique d’accès au marché : certification plus rapide sur des couloirs définis, profils cargo tolérants, montée en cadence industrielle progressive, avant d’adresser le passager commercial.
Un positionnement « dual-use » assumé
La startup revendique plus d’une dizaine de contrats avec des entités du Department of Defense américain, signe d’une traction dual-use qui sécurise la R&D (autonomie, résilience, communications) et ouvre des cas d’usage à forte valeur ajoutée : ravitaillement avancé, liaisons offshore, inspections d’infrastructures critiques, évacuations sanitaires. Ce socle sert aussi d’accélérateur pour les futures opérations commerciales avec compagnies aériennes et logisticiens.
Les gains environnementaux et économiques attendus
Le cœur de la promesse est double : réduire les émissions et améliorer l’économie d’exploitation sur des trajets de mobilité aérienne régionale. En croisière hybride, la consommation spécifique chute par rapport à un hélicoptère ou à un avion court-courrier ancien. L’utilisation de SAF (carburant aérien durable) peut abaisser jusqu’à 80 % les émissions sur cycle de vie par rapport au Jet-A conventionnel, selon la filière de production. À l’échelle d’un réseau régional, ce différentiel permet de viser des coûts par siège-kilomètre compétitifs tout en diminuant l’empreinte carbone, sans dépendre d’un maillage dense de superchargeurs aéronautiques.
Des effets opérationnels concrets
Sur des segments de 200 à 400 km, l’appareil peut « sauter » des obstacles géographiques (bras de mer, reliefs) et raccourcir le temps porte-à-porte par rapport à la route. En cargo, la capacité VTOL réduit les ruptures de charge et donne accès à des sites proches du dernier kilomètre. En passager, le modèle évite les correspondances en hub et peut offrir des liaisons directes héliport-à-héliport ou vertiport-à-vertiport, avec des profils de bruit et d’émissions plus favorables qu’un hélicoptère classique.
Le volet réglementaire : JARUS/SORA comme tremplin
La démarche d’Odys s’aligne sur la méthodologie JARUS/SORA (Specific Operations Risk Assessment), qui permet de qualifier, étape par étape, des opérations non habitées en catégorie spécifique. L’entreprise annonce l’achèvement de jalons SORA 2.5 et la préparation d’opérations sous des niveaux d’assurance progressifs, en partenariat avec les autorités nationales (Middle East, Pacifique). Cette trajectoire vise un transfert ultérieur de briques techniques (autonomie, supervision, stations au sol) vers des opérations habitées et des cadres de certification passagers.
Un écosystème complet plutôt qu’un seul appareil
Au-delà de l’aéronef, Odys travaille l’« empilement » technologique : stations au sol Honeywell pour la commande/contrôle, intégration vertiports, maintenance conditionnelle, procédures d’urgence, gestion de l’espace aérien bas altitude. Les pilotes opérationnels au Moyen-Orient et dans le Pacifique servent de laboratoires à ciel ouvert pour valider l’industrialisation et l’intégration de bout en bout.
La concurrence et la différenciation
Face aux projets tout-électriques centrés sur l’urbain, la voie hybride-électrique d’Odys mise sur la portée et la densité de puissance. Le pari : offrir, dès 2026, des démos clients sur des routes régionales réelles avec des profils cargo utiles (poids, volume) et des vitesses de croisière élevées, tout en maîtrisant la sécurité opérationnelle à travers JARUS/SORA. Cette approche peut précéder l’arrivée de versions passagers et préempter des marchés insulaires, pétroliers/offshore et de logistique critique où la fiabilité prime.
Les chiffres qui compteront en 2026
Les indicateurs à surveiller seront la disponibilité flotte, le coût par heure de vol, la consommation en profils mixtes (VTOL + croisière), les cycles batteries, et la performance en environnement chaud/haut. Sur le plan commercial, la conversion des lettres d’intérêt en contrats fermes, la cadence de production et la stabilité de la supply chain seront déterminantes pour crédibiliser un lancement opérationnel 2026 à l’international.
Les risques et points de vigilance
Le modèle dépend de trois équations :
- La maturité de la propulsion hybride à l’échelle 1, notamment la gestion thermique et la fiabilité de la génératrice haute puissance.
- La disponibilité et le coût du SAF, encore limités, qui conditionnent la promesse de réduction d’émissions sur cycle de vie.
- La lisibilité réglementaire multi-pays, essentielle pour passer de pilotes spécifiques à des opérations régulières.
À ces facteurs s’ajoutent l’acceptabilité sociale (bruit, survols), la coordination des vertiports, et la concurrence de solutions eSTOL hybrides qui revendiquent, elles aussi, une économie régionale robuste.
Une trajectoire à haute valeur si les jalons se confirment
Si les essais en vol grandeur nature confirment vitesse, portée et charge utile tout en respectant les exigences de sécurité, Odys peut s’installer sur un créneau encore peu occupé : le VTOL régional longue portée. La combinaison de routes pilotes au Moyen-Orient et dans le Pacifique, d’un cadre JARUS/SORA éprouvé et d’une architecture hybride-électrique optimisée créerait un précédent opérationnel solide, propice à des déploiements en archipels, zones ressources et corridors interurbains. Ce serait aussi un signal pour les compagnies et logisticiens à la recherche d’un pivot pragmatique vers la mobilité aérienne durable.

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