Quel est l’état du développement des eVTOL en France ?

Quel est l’état du développement des eVTOL en France ?

Plongée technique dans l’état des eVTOL (avions « Vertical Take-Off and Landing ») en France : acteurs, innovation, retard ou avance, opportunités et défis.

La France dispose aujourd’hui d’un écosystème en développement pour les eVTOL (avions à décollage et atterrissage verticaux électriques ou hybrides) mais celui-ci reste à un stade pré-commercial. Le marché national est estimé à 0,04 milliard USD en 2024, avec une projection à 0,63 milliard USD d’ici 2035, soit un TCAC proche de 28 % dans ce segment en France. Le pays compte des acteurs français comme Ascendance Flight Technologies (programme ATEA) ou encore VoltAero (bien que plus centré sur l’hybride régional) et un solide tissu industriel aéronautique (moteurs, composites, avionique) à mobiliser. Comparé à certains acteurs internationaux — américains, britanniques, asiatiques — la France avance mais ne domine pas encore. Le rythme de certification, d’industrialisation et de commande reste plus modéré. Les conséquences sont que la France peut capitaliser sur son industrie pour devenir un acteur européen crédible, mais elle devra viser l’accélération, les partenariats et la structuration de filière (vertiports, réglementation, financement) pour ne pas se laisser distancer.

Le marché français des eVTOL et ses perspectives

Selon une étude de marché, la taille du marché français des avions eVTOL était estimée à 0,04 milliard USD (≈ 40 millions USD) en 2024, avec une projection de 0,63 milliard USD (~630 millions USD) en 2035, et un TCAC de l’ordre de 28 % entre 2025 et 2035.
Au niveau mondial, le marché eVTOL est estimé à 1,35 milliard USD en 2023, avec une croissance rapide (TCAC près de 54,9 % de 2024 à 2030).
Ce contraste montre que la France est bien dans la course, mais dans une phase de rattrapage par rapport aux leaders internationaux. Le marché national intègre plusieurs segments : les taxis aériens urbains, les liaisons régionales, la logistique, le fret léger. Les hypothèses de développement mettent en avant l’urbanisation, la congestion des transports, les ambitions de mobilité aérienne avancée (UAM) comme moteurs.
La nécessité d’infrastructures (vertiports, recharge / ravitaillement), la réglementation, ainsi que l’acceptabilité sociale sont autant de freins à lever.
En France, les territoires urbains et péri-urbains (ex. Paris, Nice) sont déjà mobilisés pour des démonstrations, ce qui constitue un atout.

Les acteurs français de l’eVTOL et leurs innovations

Ascendance Flight Technologies (programme ATEA)

La société est basée à Toulouse et a été fondée en 2018 par d’anciens ingénieurs de Airbus. Elle développe l’avion hybride-électrique VTOL nommé ATEA.
Caractéristiques annoncées : capacité de 1 pilote + 4 passagers, vitesse de croisière ~200 km/h, autonomie visée ~400 km voire jusqu’à 900 km à charge réduite. L’architecture combine 8 ventilateurs de sustentation intégrés dans les ailes (fan-in-wing) plus deux hélices de poussée horizontal. Propulsion hybride « STERNA » modulaire (turbogénérateur + batteries). (
L’assemblage du prototype à échelle réelle est prévu pour début 2026, avec certification et entrée en service visées vers 2029. La société revendique plus de 670 lettres d’intention pour ATEA à l’été 2025. Cette innovation française mise sur la longue portée / régional et la technologie hybride plutôt que l’ultra-court trajet purement électrique. Cela peut se révéler un avantage pour des missions variées (liaisons interurbaines, insulaires, secours).

VoltAero

Bien que VoltAero soit davantage orienté vers l’avion hybride pour transport régional que purement eVTOL urbain, sa présence en France témoigne de la montée de l’électrification du segment aérien.
Même si ce n’est pas strictement un eVTOL « taxi aérien », son expertise renforce l’écosystème français (batteries, avionique, composites).

Autres contributions françaises industrielles et écosystémiques

Des entreprises comme Ascendance développent aussi des blocs systèmes (propulsion hybride, batteries), ce qui peut faire de la France un fournisseur technologique pour des OEM internationaux. L’écosystème aéronautique français (Safran, Thales, Airbus, Dassault Systèmes, etc.) possède un savoir-faire à valoriser.
Par ailleurs, la France se mobilise sur l’infrastructure : par exemple, Groupe ADP (via le vertiport à Saint-Cyr-l’École) et l’association avec l’urban air mobility avec des vols d’essais de l’allemand Volocopter GmbH en France.

Positionnement français par rapport aux acteurs internationaux

En comparaison, des sociétés comme Vertical Aerospace (Royaume-Uni), Joby Aviation (États-Unis), ou encore le chinois EHang sont déjà en phases avancées de prototypes volants, certification ou pré-commandes importantes.
Par exemple, Vertical Aerospace a déjà réalisé des vols d’essai libres du VX4 en novembre 2024.
En France, la course est donc engagée mais pas encore en tête. On peut dire que la France est dans le peloton de milieu/fin, avec de sérieux atouts mais aussi certains handicaps.
Avantages français : solide industrie aéronautique, infrastructures associées, compétence technologique, capacité à innover (hybride, régional) ; Inconvénients : moindre avance sur les vols habités certifiés, moins de commandes massives dévoilées, infrastructure eVTOL en opération encore peu développée, délai de certification européen (EASA) plus lent que certains pays.
En résumé, la France devra accélérer pour éviter de devenir le suiveur.

Pourquoi ce rythme et quelles conséquences

Plusieurs facteurs expliquent le rythme actuel :

  • La réglementation européenne (EASA) sur les eVTOL est encore en maturation, ce qui ralentit l’homologation.
  • Le modèle économique et la chaîne industrielle des eVTOL restent complexes : batteries haute densité, moteurs électriques/redondance, architectures de sécurité, certification « avion ».
  • L’infrastructure requise (vertiports, recharge haute puissance, intégration dans l’espace aérien urbain) est abondante mais insuffisamment déployée.
  • Le financement, la demande réelle et la préparation opérationnelle (pilotes, maintenance, assurance) sont encore en phase de développement.

Les conséquences pour la France sont doubles :

  • Une opportunité à saisir : si la France mobilise ses acteurs, elle pourrait devenir un « cluster eVTOL européen », attirer des investissements, des chaînes d’assemblage, des services associés, et occuper une position industrielle.
  • Un risque de retard : si d’autres pays/entreprises prennent de l’avance, la France pourrait simplement participer plutôt que piloter, et voir des commandes ou des chaînes d’assemblage transférées à l’étranger.

Focus sur l’infrastructure et l’écosystème opérationnel

Le développement des eVTOL ne se limite pas à l’avion. Il faut penser à l’écosystème :

  • Les vertiports (zones d’atterrissage/décollage en milieu urbain ou péri-urbain). En France, on assiste à des projets pilotes (ex. vertiport Saint-Cyr-l’École pour Volocopter).
  • La recharge ou le ravitaillement des batteries ou modules hybrides.
  • L’intégration dans le trafic aérien, la gestion du bruit, l’acceptation sociale des vols urbains.
  • Le business model : qui paie le service ? quelle tarification ? quelles fréquences ? quelles missions prioritaires (taxi urbain, liaison régionale, secours) ?
    La France possède un avantage grâce à sa densité urbaine, son industrie aéronautique, et l’engagement de certaines collectivités à expérimenter. Mais l’industrialisation des vertiports et la mise en service opérationnelle restent à venir.

Le panorama des usages et leur adaptation en France

Les usages envisagés pour les eVTOL en France sont :

  • Taxis aériens urbains (liaisons centre-ville ↔ aéroport ou autres hubs).
  • Liaisons régionales « point à point », surtout vers zones difficiles d’accès (insulaires, montagne).
  • Services de secours, ambulance aérienne, logistique rapide.
    En France, l’orientation de certains acteurs (ex. Ascendance) vers la liaison régionale (autour de 200-400 km) fait sens dans un territoire à la fois dense et fragmenté. Cela peut constituer un avantage sur ceux qui visent uniquement de très courtes liaisons urbaines.
    L’implantation de ces usages devra néanmoins s’accompagner de tests réels, d’acceptation publique et de tarification viable.

Perspectives et recommandations

L’enjeu pour la France est de bâtir un leadership industriel et opérationnel dans les eVTOL. Pour ce faire, plusieurs leviers sont recommandés :

  • Accélérer les démarches de certification (avec EASA, DGAC) pour obtenir les premiers services commerciaux d’ici 2027-2030.
  • Renforcer les partenariats public-privé pour les vertiports, la recharge, les réseaux urbains et régionaux.
  • Mettre en valeur les acteurs français (Ascendance, VoltAero, etc.) et structurer la filière (fournisseurs de batteries, moteurs, avioniques) afin de capter non seulement l’avion mais toute la chaîne de valeur.
  • Assurer l’intégration des services (fleet management, maintenance, pilotage) pour soutenir la viabilité économique des taxis aériens.
  • Favoriser les marchés d’amorçage (zones insulaires, montagne, secours) pour accumuler de l’expérience et valider les modèles avant le lancement urbain à large échelle.

Avec ces efforts, la France peut passer d’un statut d’acteur en développement à celui d’un acteur exemplaire en Europe. Le moment est opportun car le marché mondial du eVTOL s’apprête à entrer dans une phase de montée en puissance significative.

Les prochains mois seront donc particulièrement stratégiques pour observer comment la France convertira ses ambitions en premiers services commerciaux et en volumes industriels.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.

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