Un marché eVTOL prometteur mais corseté

eVTOL

Stratview Research actualise son rapport eVTOL 2025 : plus de 1 000 programmes suivis, plus de 15 Md$ investis, rôle clé des composites, freins réglementaires et d’infrastructures.

Stratview Research diffuse une mise à jour de son analyse eVTOL et confirme la montée en puissance d’un secteur encore pré-commercial. Le cabinet recense 1 000+ programmes dans le monde et des financements cumulés dépassant 15 milliards de dollars, des chiffres qui valident l’intérêt des investisseurs comme des pouvoirs publics. L’étude insiste sur la place des composites dans la structure des appareils, sur la pression des coûts et sur l’importance de chaînes d’approvisionnement robustes. Elle détaille des tendances chiffrées : environ 183 livraisons en 2024, une trajectoire vers 3,2 milliards de dollars à l’horizon 2040 et un CAGR de 28,4 % entre 2025 et 2040. Le rapport pointe aussi les obstacles récurrents : la régulation, l’infrastructure au sol et l’industrialisation à cadence soutenue. Pour les décideurs, ces constats imposent des arbitrages rapides : sécuriser les matériaux, standardiser les architectures, et accélérer les corridors de certification et de vertiports.

Le périmètre et la méthode de l’étude

L’édition 2025 met à jour un travail initié dès 2022 et enrichi d’entretiens avec industriels, motoristes, avionneurs, transformateurs de composites et opérateurs. Le suivi dépasse le millier de concepts et programmes eVTOL, du multicoptère urbain au tiltrotor régional. Cette granularité permet de croiser design, maturité technologique, chaîne de valeur, zones de déploiement et scénario réglementaire. L’intérêt de cette approche est clair : dégager des signaux utiles à la décision, loin des effets d’annonce.

Les ordres de grandeur qui comptent

Deux ordres de grandeur s’imposent. D’abord, un cumul d’investissements supérieur à 15 milliards de dollars au début 2025. Ensuite, une base industrielle qui a livré environ 183 appareils en 2024, toutes catégories confondues, sur fond de pilotes commerciaux limités. Ces volumes restent modestes, mais l’industrialisation progresse et les premiers contrats de services pointent dans plusieurs régions.

Le socle matériaux : la montée en gamme des composites

La structure des eVTOL affiche une teneur élevée en matériaux composites, avec des parts massiques souvent majoritaires dans les voilures, fuselages, carénages d’hélices/rotors et empennages. La logique est implacable : les architectures distribuées exigent des structures légères et rigides, compatibles avec des charges de fatigue élevées et des enveloppes vibratoires spécifiques. Les composites carbone/époxy dominent, secondés par des systèmes résine à durcissement rapide, des prémix RTM pour pièces épaisses et des préimprégnés automatables.
Côté supply chain, deux verrous restent sensibles : le coût matière (fibre, résine, nids d’abeilles, mousses) et la capacité à automatiser la dépose. Les industriels cherchent des rythmes proches de l’automobile pour certaines sous-structures, sans renoncer aux tolérances aéronautiques. Le rapport souligne un point clé : la demande en composites eVTOL dépasse déjà la simple expérimentation et glisse vers des volumes « série courte », avec un palier significatif attendu durant la seconde moitié de la décennie.

Les procédés et l’industrialisation

Les procédés mis en avant combinent moulage fermé (RTM haute pression, infusion contrôlée), préimprégnés out-of-autoclave et thermoplastiques soudables pour sous-ensembles. Objectif : réduire les temps de cycle, abaisser les rebuts, faciliter la réparation et la recyclabilité. Les gains se cherchent au carrefour matériaux-procédés-conception : moins de pièces, plus de co-fabrication, et davantage de contrôles non destructifs intégrés au flux.

Le marché et ses trajectoires chiffrées

Stratview positionne la taille du marché eVTOL à environ 0,06 Md$ en 2024, avec une projection vers 3,2 Md$ à l’horizon 2040, soit un CAGR 2025-2040 : 28,4 %. Le cabinet anticipe une montée du cumul de livraisons au long cours, portée par trois facteurs : maturation des certifications, montée des opérateurs sur des lignes régulières courtes, et extension vers des usages régionaux ou parapublics.
La géographie reste contrastée : Amérique du Nord et Chine tirent la demande, tandis que l’Europe progresse sous contrainte réglementaire plus prudente. La défense joue un rôle d’amorçage sur certains segments (logistique légère, évacuation sanitaire, ISR), ce qui sécurise des tickets de financement et des cadences initiales.

Les segments gagnants

Les segments passagers 2 à 5 sièges dominent à court terme en milieu urbain/périurbain, soutenus par les démonstrateurs d’opérateurs-pilotes et par la mise en place de vertiports aéroport-centre. En parallèle, le fret léger progresse, car il tolère des enveloppes opérationnelles plus simples (charges utiles modestes, profils répétitifs). À moyen terme, les liaisons régionales de 30 à 150 km (avec réserves) s’ouvrent aux tiltrotors électriques ou hybrides, où l’avantage aérodynamique en croisière compense la complexité mécanique.

Les défis réglementaires qui ralentissent la bascule

Le rapport est sans détour : la régulation demeure le premier goulot. Les référentiels EASA/FAA convergent mais la preuve de sécurité reste lourde pour des architectures nouvelles (propulsion distribuée, redondances multiples, lois de commande complexes). Les temps de démonstration, le traitement des pannes combinées et l’acceptabilité du risque allongent les plannings. Résultat : plusieurs acteurs décalent l’objectif d’entrée en service, le temps d’absorber les exigences de certification de type et de navigabilité continue.

L’infrastructure au sol, deuxième verrou

La faiblesse du maillage de vertiports, la disponibilité de la recharge haute puissance (en tension continue), la supervision des opérations et l’intégration UTM/ATM freinent la montée en cadence. Les modèles économiques exigent des temps de rotation courts : sans bornes puissantes, pas de fréquence. Les sites pilotes aéroportuaires existent, mais le passage de la démonstration à la grille quotidienne demande des partenariats énergie-aéroport-collectivités plus serrés et des normes communes (interfaces mécaniques, électriques, data).

Les coûts, la fiabilité et la MCO

Stratview insiste : l’équation de rentabilité dépend de la Maintenance en Condition Opérationnelle. La clef n’est pas qu’aérodynamique, elle est logistique. Les opérateurs visent un coût direct par heure stabilisé via la standardisation des sous-ensembles (rotors, moteurs, batteries, calculateurs), l’échange standard et l’analyse prédictive des défaillances. Les batteries concentrent l’attention : gestion thermique, cyclage, sécurité intrinsèque, fin de vie et seconde vie. La filière s’oriente vers des packs modulaires, traçables, remplaçables en quelques minutes, avec des fenêtres de maintenance calées sur les besoins d’exploitation.

Les chaînes d’approvisionnement sous tension

Le rapport recense les risques de supply chain : disponibilité des fibres haut module, des résines spécifiques, de l’électronique de puissance et des semiconducteurs « auto-grade » adaptés à l’aéronautique. Les stratégies retenues combinent dual-sourcing, stocks tampons pour les premiers lots, et relocalisation partielle de pièces longues. Sans ces garde-fous, la cadence restera le talon d’Achille.

Les indicateurs avancés à surveiller

Trois métriques ressortent pour suivre la maturité réelle du marché eVTOL :

  1. Le nombre de sites opérationnels dotés d’une recharge > 500 kW et d’autorisations locales, signe d’une exploitation régulière et non événementielle.
  2. Le flux de certifications partielles (mises à jour des bases de certification, approbations d’essais) publiées par les autorités ; une accélération durable se verra dans les journaux de modifications et dans les bulletins de navigabilité.
  3. La stabilisation des taux de disponibilité flotte au-delà de 90 % sur des lignes ouvertes au public, ce qui suppose des stocks, des équipes MRO formées et des diagnostics à distance fluides.

Les opportunités concrètes mises en avant

Le volet opportunités du rapport est clair. Les industriels matériaux et transformateurs peuvent gagner des parts avec :
— des résines à durcissement rapide compatibles avec des cycles < 30 minutes,
— des préformes automatisées pour longerons/anneaux,
— des procédés Out-of-Autoclave pour structures secondaires,
— des solutions NDT in-line,
— des kits de réparation certifiés.
Côté opérateurs, la fenêtre est ouverte sur des corridors réguliers aéroport-centre de 20 à 50 km (avec réserves réglementaires), avec une mise en service graduelle : pilote à bord, puis plus haut niveau d’automatisation quand l’encadrement le permet. La défense et les services d’urgence demeurent des leviers d’amorçage crédibles.

Les messages francs pour les décideurs

Le rapport tranche : il n’y aura pas de décollage massif sans standardisation. Les acteurs doivent réduire la variété des architectures, mutualiser les interfaces batterie/propulsion et partager certaines briques non différenciantes (connecteurs, protocoles, télémétrie). Les pouvoirs publics, eux, doivent financer les premiers vertiports, clarifier les responsabilités d’exploitation et accélérer la doctrine UTM/ATM. Enfin, la filière doit accepter un réalisme chiffré : la montée vers les milliers d’appareils livrés se comptera en années, pas en trimestres. Mais les fondamentaux — densité urbaine, besoin de liaisons rapides, pressions environnementales — restent favorables.

Ce qu’il faut retenir

La mise à jour 2025 de Stratview confirme un secteur solvable à terme, mais encore contraint par la régulation et l’infrastructure. Les composites sont le cœur industriel de la compétitivité, et les chiffres clés — 1 000+ programmes, 15 Md$, CAGR 28,4 %, 3,2 Md$ en 2040, 183 livraisons 2024 — donnent un cap mesurable. La prochaine étape se jouera au sol autant qu’en vol : sans standards, sans énergie disponible, sans MCO outillée, l’offre restera démonstrative. Avec ces briques, le passage à l’échelle deviendra enfin un objectif atteignable.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.

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