XPeng veut industrialiser la voiture volante avec son « Porte-avions Terrestre »

Xpeng aéro

La filiale aérienne de XPeng lance la production de son « Porte-avions Terrestre », un eVTOL modulaire pensé comme une voiture volante grand public.

Le 13 novembre 2025, XPeng AeroHT a franchi une étape symbolique : le lancement de la production de son « Porte-avions Terrestre », un système de voiture volante combinant un véhicule routier 6×6 et un module aérien eVTOL à décollage vertical. Quelques jours plus tôt, le premier exemplaire était déjà sorti de la chaîne d’assemblage de l’usine de Huangpu, à Guangzhou, présentée comme la première ligne de production en série au monde dédiée aux voitures volantes.
Le concept repose sur une architecture modulaire : un « mothership » routier, à prolongateur d’autonomie, servant à la fois de base logistique, d’espace de vie et de générateur d’énergie, et un module aérien multicoptère entièrement électrique pour le vol basse altitude. Avec un objectif de mise sur le marché en 2026, un prix annoncé sous 280 000 dollars et déjà plusieurs milliers de précommandes, XPeng ne se contente plus de faire de la démonstration technologique : le groupe veut tester la réalité d’un véhicule volant personnel dans le marché chinois et à l’export, notamment au Moyen-Orient.
Reste une série d’obstacles très concrets : certification, intégration dans l’espace aérien, sécurité, bruit, acceptabilité sociale et robustesse du modèle économique. L’entreprise avance vite, mais tout n’est pas réglé, loin de là.

Le pari industriel de XPeng AeroHT

XPeng AeroHT est la branche mobilité aérienne avancée du constructeur de véhicules électriques XPeng. Rebaptisée Aridge pour ses opérations internationales en 2025, elle concentre désormais les activités liées aux voitures volantes et aux projets de mobilité basse altitude.

Début novembre 2025, la société a annoncé que le premier « Land Aircraft Carrier » était sorti de la ligne d’assemblage de son usine de Huangpu, dans le district de Guangzhou. Le site est présenté comme la première usine au monde configurée selon les standards de l’automobile pour une fabrication à grande échelle de voitures volantes, avec une chaîne d’assemblage dédiée au module roulant et une autre au module aérien.

Cette industrialisation n’est pas un simple geste de communication. XPeng a déjà mené des essais en vol habité de ses prototypes et obtenu des jalons de certification pour son module X2, capable de voler environ 35 minutes à 130 km/h, à une altitude de quelques centaines de mètres. L’entreprise affiche aussi un calendrier clair : livrer les premiers exemplaires de sa voiture volante modulaire en 2026, pour un prix maximal annoncé d’environ 280 000 dollars (près de 260 000 euros).

XPeng se place ainsi sur un créneau où la plupart des acteurs occidentaux restent au stade des prototypes ou des campagnes d’essais de certification. La différence est nette : là où d’autres parlent de 2030, XPeng annonce des livraisons dès 2026. La question n’est plus de savoir si le groupe est sérieux, mais si le marché est réellement prêt à absorber ce type de produit, dans des volumes suffisants pour rentabiliser une usine entière.

Le concept du « Porte-avions Terrestre » : un véhicule modulaire

Le « Porte-avions Terrestre » est un système « drive & fly » : un véhicule routier 6×6 embarque à l’arrière un module aérien eVTOL, qui peut être déployé sur un site dégagé pour effectuer des vols à basse altitude.

La cellule routière, base logistique et énergétique

Le module routier est un véhicule à trois essieux (configuration 6×6) de type minivan, long d’environ 5,5 mètres, pour 2 mètres de large et 2 mètres de haut. Il est donc plus proche d’un gros SUV que d’un camion, et peut se garer dans un emplacement standard.

Sous la carrosserie, le système repose sur une chaîne de traction électrique à prolongateur d’autonomie : un moteur thermique n’entraîne pas directement les roues, mais sert de générateur pour recharger la batterie haute tension. L’autonomie annoncée dépasse 1 000 kilomètres (cycle CLTC), ce qui permet d’utiliser le véhicule pour de longs trajets routiers sans dépendre exclusivement de la recharge rapide.

Ce « mothership » peut transporter quatre à cinq personnes, leurs bagages et le module aérien, rangé dans la partie arrière. Il offre également des capacités tout-terrain, grâce à la transmission intégrale 6×6 et à la direction sur l’essieu arrière, ce qui est cohérent avec le positionnement « camping et loisirs » affiché dans la communication de XPeng.

Enfin, ce véhicule routier fonctionne comme un « power bank géant » : il peut recharger plusieurs fois le module aérien, jusqu’à six recharges complètes selon XPeng. C’est un point clé : dans de nombreuses zones rurales ou touristiques, il n’existe aucune infrastructure de recharge dédiée aux véhicules volants personnels. XPeng contourne le problème en embarquant l’infrastructure dans le véhicule lui-même.

L’« air module » eVTOL, cœur volant du système

Le module aérien est un multicoptère entièrement électrique, équipé de six rotors (dans la version Land Aircraft Carrier), fabriqué en grande partie en fibre de carbone pour réduire la masse. Il peut décoller verticalement, se stabiliser en vol stationnaire, puis évoluer en vol de translation à basse altitude. L’appareil est conçu pour transporter un pilote et un passager, ou deux passagers, selon les versions et les futures réglementations.

XPeng ne publie pas encore l’intégralité des performances définitives de ce module, mais ses autres appareils donnent des ordres de grandeur crédibles : l’X2, deux places, affiche une vitesse maximale de 130 km/h, un temps de vol de 35 minutes et un plafond d’environ 300 à 500 mètres. On peut donc raisonnablement attendre du module du Porte-avions Terrestre une autonomie de quelques dizaines de kilomètres, soit suffisamment pour des survols touristiques, des trajets courts entre deux sites ou des missions de reconnaissance locale.

En parallèle, XPeng/Aridge développe l’A868, un appareil hybride tilt-rotor de six places, annoncé avec plus de 500 kilomètres de rayon d’action et une vitesse de croisière supérieure à 360 km/h. Cet appareil n’est pas intégré au « Porte-avions Terrestre », mais il montre la logique d’ensemble : un système de loisir et de proximité d’un côté, un eVTOL interurbain de l’autre, capables à terme de former un écosystème complet de mobilité aérienne urbaine et régionale.

La production en série : une première mondiale pour les voitures volantes

L’élément vraiment nouveau de cette annonce, ce n’est pas le concept, déjà présenté à plusieurs reprises, notamment au CES 2025 à Las Vegas, mais le passage à la production en série sur une ligne dédiée en Chine.

L’usine de Huangpu, à Guangzhou, fonctionne selon les principes de l’industrie automobile : chaîne d’assemblage, standardisation des sous-ensembles, contrôles qualité en ligne et logistique optimisée. Pour la première fois, un constructeur applique ce modèle non plus à un simple drone ou à un prototype d’eVTOL, mais à un véhicule complet, combinant module routier homologué et module aérien.

Selon les autorités locales, le premier exemplaire a été produit le 3 novembre 2025, marquant le lancement de ce qui est présenté comme « la première ligne d’assemblage moderne pour la fabrication à grande échelle de voitures volantes ». Les capacités exactes de production annuelle ne sont pas publiées, mais les volumes de précommandes laissent entendre que XPeng vise autre chose qu’une série symbolique : la presse chinoise évoque plusieurs milliers de commandes globales, dont plus de 7 000 précommandes et 600 commandes dans le seul Conseil de coopération du Golfe.

Ce saut industriel a une conséquence directe : si XPeng parvient à livrer des véhicules conformes, à un rythme soutenu, il deviendra le premier acteur au monde à mettre sur le marché, en série, une solution de voiture volante intégrée. Les concurrents américains et européens, pour l’instant, restent concentrés sur des eVTOL plus classiques, dédiés au taxi aérien, avec des calendriers décalés vers 2028–2030.

La stratégie XPeng : du loisir premium au laboratoire grandeur nature

Le positionnement initial du « Land Aircraft Carrier » est assez clair : un véhicule de loisirs haut de gamme, destiné aux clients fortunés, aux resorts et à certains opérateurs touristiques. Les démonstrations publiques en Chine, à Dubaï ou lors des salons internationaux mettent en scène du camping, des vols panoramiques et des expériences « lifestyle » plus que du transport de masse.

Le prix cible – moins de 280 000 dollars – le place dans la catégorie des supercars ou des petits hélicoptères légers d’occasion. On est donc très loin d’un produit de mobilité de tous les jours. Mais ce n’est pas forcément le but immédiat. XPeng a besoin de clients capables d’absorber le risque technologique, de financer la montée en cadence et de servir de vitrine. Resorts de luxe, opérateurs touristiques en Chine et au Moyen-Orient ou particuliers fortunés sont parfaitement alignés avec cet objectif.

Dans le même temps, chaque véhicule livré sert de « laboratoire roulant » : données de vol, cycles de recharge, conditions de vent, maintenance, incidents mineurs, comportement des pilotes… tout peut être instrumenté. Pour une entreprise qui vise à terme un réseau d’eVTOL interurbains avec l’A868, ces données réelles valent presque autant que les revenus initiaux.

D’un point de vue stratégique, XPeng utilise ce produit comme un pied dans la porte : le véhicule volant personnel crée le récit, les images et l’imaginaire, tandis que l’eVTOL de plus grande capacité – hybride, à long rayon d’action – prépare le terrain pour un modèle économique plus proche du transport aérien régional.

Les défis réglementaires et technologiques qui restent à lever

L’enthousiasme marketing ne doit pas masquer les difficultés. Même en Chine, où l’État peut aligner plus vite les acteurs – aviation civile, urbanisme, sécurité, industrie – la certification d’un système aussi complexe ne sera pas une formalité. Les autorités chinoises ont déjà accordé des jalons de type certification à certains appareils d’XPeng, mais la combinaison véhicule routier + module aérien, destinée à des clients privés, ouvre un champ réglementaire en grande partie inédit.

Sur le plan technique, les limites de la technologie électrique restent bien présentes pour les vols verticaux : la densité énergétique des batteries contraint la masse utile et l’autonomie. D’où le choix de XPeng de réserver l’hybride au module routier et de conserver un module aérien 100 % électrique pour les vols courts, tandis que l’A868, appareil plus ambitieux, adopte un schéma hybride-électrique pour dépasser les 500 kilomètres de rayon d’action.

Il faut aussi compter avec le bruit, la sécurité au sol, la gestion du trafic de basse altitude et la formation des pilotes. Un réseau dense de mobilité aérienne urbaine suppose une intégration fine avec les autorités locales, les opérateurs de transport, les assureurs et les pompiers. Aucune de ces briques n’est mature pour un déploiement massif.

Enfin, l’incertitude porte sur l’usage réel. Combien de propriétaires utiliseront régulièrement le module aérien, au-delà de vols de démonstration pour des invités ? Sans un nombre suffisant d’heures de vol par appareil, il sera difficile de justifier, à long terme, les coûts de maintenance, de formation et d’assurance.

La portée géopolitique et concurrentielle de ce programme

Le lancement industriel du « Porte-avions Terrestre » dépasse la simple curiosité technologique. Il s’inscrit dans la volonté de la Chine de prendre l’avantage sur les segments émergents de la mobilité, après avoir déjà rattrapé – voire dépassé – l’Europe sur le véhicule électrique.

Avec une usine dédiée, un carnet de précommandes crédible, des démonstrations publiques en Chine, à Dubaï et dans d’autres marchés pilotes, XPeng/Aridge installe un fait accompli : la voiture volante n’est plus un concept animé par Hollywood, mais un produit industriel « made in China » mis en avant dans la stratégie de développement régional et touristique.

Pour les acteurs européens et américains du secteur, plus axés sur des taxis aériens certifiés selon des standards très proches de ceux de l’aviation commerciale, le risque est double. D’un côté, laisser la Chine occuper l’imaginaire collectif de la voiture volante, avec des images spectaculaires sur les réseaux sociaux. De l’autre, accumuler un retard sur le savoir-faire industriel : architecturer des chaînes d’assemblage mixtes auto/air, gérer la maintenance d’une flotte hybride, exploiter les données de vol à grande échelle.

Rien ne garantit que le pari de XPeng sera rentable. Mais si le groupe parvient à livrer quelques centaines d’unités fiables, utilisées régulièrement, il aura pris une longueur d’avance très difficile à rattraper, même pour des industriels mieux implantés dans l’aviation traditionnelle.

Il est encore tôt pour dire si le « Land Aircraft Carrier » deviendra un best-seller ou restera un produit de niche pour passionnés très fortunés. En revanche, il est déjà clair qu’avec ce programme, XPeng transforme la voiture volante en enjeu industriel concret. La prochaine étape sera simple à mesurer : compter, dans deux ou trois ans, combien d’appareils volent réellement, combien d’heures ils accumulent et quels pays, au-delà du Marché chinois, auront accepté de leur ouvrir leur ciel.

Sources :
– Global Times, « China’s first flying car factory begins trial production » (novembre 2025)
– GDD Guangzhou Development District, « World’s First “Land Aircraft Carrier” Rolls Off the Production Line » (novembre 2025)
– Aviation Week, « China’s ARIDGE unveils hybrid tiltrotor long-range eVTOL » (novembre 2025)
– eVTOL.news, fiches techniques XPeng AeroHT Modular Flying Car, X2/Voyager X2, Chinese eVTOL aircraft directory
– Electrek, « XPeng AeroHT’s modular flying car will hit the market in 2026 for under $280,000 » (septembre 2024)
– TechCrunch, Autocar, MotorTrend, IoT World Today, Interesting Engineering, articles sur le Land Aircraft Carrier et ses démonstrations publiques
– Times of India, Reuters, articles sur les vols de démonstration d’Aridge et les commandes au Moyen-Orient

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.

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