La FAA introduit deux parcours de certification distincts pour les eVTOL afin d’accélérer leur intégration dans l’espace aérien américain dès 2026.
La Federal Aviation Administration (FAA) a officialisé deux nouvelles voies de certification pour les aéronefs à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL) de type powered-lift. Cette réforme vise à simplifier la validation des appareils hybrides entre avion et hélicoptère et à permettre leur intégration dans le système aérien américain dès 2026. La première voie adapte le cadre des certifications de type aux nouvelles technologies, tandis que la seconde ajuste la formation des pilotes via une licence dédiée, dérivée du modèle hélicoptère. Les constructeurs Joby Aviation, BETA Technologies et Archer Aviation figurent parmi les premiers bénéficiaires de cette évolution réglementaire. Ce changement de paradigme marque une étape stratégique dans la transition vers la mobilité aérienne avancée, combinant sécurité, flexibilité et innovation pour l’aviation urbaine et régionale.
Un tournant réglementaire majeur pour la mobilité aérienne
Depuis plusieurs années, la FAA cherchait à adapter son cadre réglementaire aux nouveaux aéronefs électriques verticaux. Ces appareils, qualifiés de powered-lift, combinent les caractéristiques d’un hélicoptère (décollage vertical) et d’un avion (vol horizontal à aile fixe). Or, les réglementations existantes – Part 23 pour les avions légers et Part 27/29 pour les hélicoptères – ne couvraient pas entièrement cette architecture hybride.
Face à cette lacune, la FAA a conçu deux voies distinctes mais complémentaires :
- Une voie technique pour certifier la conception et la sécurité des eVTOL.
- Une voie opérationnelle et humaine, centrée sur la qualification des pilotes et les conditions d’exploitation.
Ces cadres, finalisés en octobre 2025, visent à accélérer la commercialisation des eVTOL sans compromettre les standards de sécurité, tout en alignant la réglementation américaine sur les initiatives de l’EASA en Europe.
La première voie : un cadre spécifique pour les appareils powered-lift
La FAA introduit désormais un régime de certification de type dédié aux eVTOL, dérivé du Part 21. Ce processus fusionne des critères des normes avion et hélicoptère, afin de refléter la nature hybride des aéronefs.
Les points clés de cette nouvelle voie sont :
- Une architecture d’approbation flexible, permettant d’adapter les exigences selon le design (multirotor, tiltrotor, lift-cruise).
- L’intégration de critères de redondance énergétique et logicielle, essentiels pour les systèmes de propulsion distribuée.
- L’harmonisation avec les standards internationaux (ASTM, EUROCAE, EASA).
Les appareils sont désormais évalués selon leurs profils de mission : urbains, régionaux ou interurbains. Par exemple, un eVTOL comme le Joby S4, prévu pour 240 km d’autonomie, sera soumis à des exigences différentes d’un multicoptère urbain de courte portée.
Cette approche graduée évite d’imposer à tous les eVTOL des contraintes inutiles, tout en assurant une fiabilité équivalente à celle d’un avion certifié Part 23.
La seconde voie : une licence pilote adaptée aux eVTOL
L’autre avancée majeure concerne la qualification des pilotes. Jusqu’à présent, les pilotes d’eVTOL devaient détenir une licence d’avion ou d’hélicoptère, complétée par une qualification spécifique. Désormais, la FAA introduit une nouvelle catégorie de licence powered-lift, inspirée du Rotorcraft Certificate, avec un tronc commun de compétences et un module spécialisé selon le type d’aéronef.
Cette approche simplifie la formation et reconnaît les compétences transférables :
- Les pilotes d’hélicoptères bénéficieront d’une passerelle directe pour passer sur eVTOL.
- Les opérateurs pourront former des pilotes spécifiquement sur simulateur certifié.
- Les eVTOL entièrement autonomes, à plus long terme, seront encadrés sous une licence de supervision à distance, similaire aux standards des drones Part 135.
Selon la FAA, cette dualité de parcours permettra de tripler la disponibilité de pilotes qualifiés d’ici 2030.
Les premiers bénéficiaires : Joby, Beta et Archer
Les entreprises Joby Aviation, BETA Technologies et Archer Aviation figurent parmi les premières à exploiter ces nouvelles voies.
- Joby Aviation a reçu, en 2024, l’autorisation de production limitée sous Part 21.183 et a récemment achevé plus de 1 500 heures de vol d’essai. Son appareil S4 devrait être le premier à obtenir la certification powered-lift complète.
- BETA Technologies, avec son Alia-250, mise sur la voie cargo et utilitaire. Ses essais avec United Therapeutics ont démontré des performances stables sur 463 km (250 miles) avec charge utile partielle.
- Archer Aviation déploie sa flotte Midnight dans le cadre de la campagne “Early Operations” à Chicago et Los Angeles, avec des pilotes issus du monde hélicoptère.
Ces pionniers participent également à l’élaboration des procédures opérationnelles qui serviront de base pour les futurs opérateurs commerciaux.
L’impact sur les opérateurs : vers des opérations certifiées Part 135
La réforme ne concerne pas uniquement les constructeurs. Les exploitants commerciaux d’eVTOL devront obtenir une certification Part 135, similaire à celle des compagnies aériennes régionales. Ce cadre garantit que les opérations passagers répondent aux standards de maintenance, d’assurance et de contrôle de sécurité.
La FAA travaille déjà avec plusieurs opérateurs pour adapter les Flight Operations Manuals (FOM) et les Maintenance Procedures aux spécificités des eVTOL. Des expérimentations ont été lancées avec United Airlines, American Airlines et Blade Air Mobility pour définir les protocoles d’intégration dans l’espace aérien urbain.
Cette approche pragmatique permet d’assurer une transition fluide : les eVTOL seront gérés comme des aéronefs commerciaux classiques, mais avec des procédures allégées et digitalisées, adaptées à la fréquence élevée des rotations urbaines.
Les bénéfices économiques et opérationnels attendus
L’unification du cadre de certification vise à réduire le délai de mise sur le marché des appareils de 18 à 24 mois en moyenne. Selon la FAA, la nouvelle structure pourrait permettre aux premiers opérateurs de lancer des services commerciaux dès 2026, soit deux ans plus tôt que prévu initialement.
Les retombées économiques sont considérables :
- Environ 15 000 emplois directs devraient être créés dans la maintenance, la formation et les opérations d’ici 2030.
- Le marché intérieur américain des vols eVTOL pourrait représenter 3,5 milliards de dollars en 2035.
- La compétitivité des entreprises locales face à l’Europe et à la Chine s’en trouverait renforcée, consolidant le leadership américain dans la mobilité aérienne avancée.
Sur le plan environnemental, la FAA souligne que les appareils électriques de première génération pourraient réduire de 70 à 90 % les émissions locales sur les liaisons courtes, en fonction de la source d’énergie utilisée.
Les enjeux techniques et de sécurité
Malgré les progrès, la certification des systèmes de propulsion distribuée reste un défi. Les nouvelles règles imposent des exigences strictes en matière de redondance, de protection thermique et de tolérance aux pannes.
Chaque eVTOL devra prouver :
- La séparation physique entre circuits critiques.
- La résistance électromagnétique aux perturbations radar et 5G.
- La sécurité logicielle conforme aux normes DO-178C (logiciels embarqués) et DO-254 (hardware).
De plus, les opérations dans l’espace aérien mixte nécessitent des protocoles d’intégration UTM (Unmanned Traffic Management) synchronisés avec les tours de contrôle. Les zones métropolitaines pilotes – Los Angeles, Dallas, New York – serviront de laboratoires de cohabitation entre drones, eVTOL et aviation conventionnelle.
La coopération internationale : alignement avec l’EASA et Transport Canada
La FAA travaille de concert avec l’EASA (Europe) et Transport Canada pour garantir la reconnaissance mutuelle des certifications. Cette collaboration vise à éviter que les fabricants aient à passer deux processus indépendants.
L’accord prévoit :
- Une équivalence des exigences de sécurité pour les systèmes électriques et les logiciels critiques.
- La reconnaissance des procédures d’essai en vol.
- Un alignement progressif sur les normes environnementales (bruit, émissions, recyclabilité).
Cette harmonisation internationale est essentielle pour créer un marché mondial cohérent et accélérer la standardisation des vertiports et des chargeurs.
Une transition vers l’exploitation commerciale dès 2026
La publication de ces deux cadres marque une étape décisive vers la mise en service des eVTOL commerciaux. Les premières autorisations de vol payant sont attendues dès 2026, sous supervision étroite de la FAA.
Des corridors expérimentaux sont déjà identifiés autour des aéroports de Dallas-Fort Worth, Chicago O’Hare et Los Angeles International, où des vertiports seront équipés de systèmes de recharge BETA Technologies compatibles avec plusieurs constructeurs.
L’ambition de la FAA est claire : créer un environnement réglementaire prévisible, sûr et évolutif, capable d’intégrer progressivement des appareils autonomes et des flottes à haute fréquence.
Vers une aviation urbaine régulée et scalable
En ouvrant deux voies distinctes mais coordonnées, la FAA établit un précédent mondial. Cette approche équilibrée entre innovation et sécurité pourrait servir de modèle aux autres régulateurs. Elle prépare le terrain à une aviation urbaine régulée, interopérable et économiquement viable.
Au-delà de la certification, la question centrale reste la scalabilité : comment faire cohabiter des centaines d’appareils dans un espace aérien dense tout en maintenant le niveau de sécurité actuel. Les années 2026-2028 seront déterminantes pour transformer ces cadres réglementaires en un véritable écosystème commercial, capable d’unir constructeurs, opérateurs et régulateurs autour d’un même ciel numérique.

HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.