Un eVTOL chinois de 2 tonnes réalise un test de 118 km en 40 minutes pour transporter des médicaments d’urgence, marque forte pour la logistique aérienne électrique.
Un appareil électrique à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL) développé en Chine a accompli un vol de 118 kilomètres (km) en environ 40 minutes, transportant des médicaments d’urgence depuis une zone montagnarde jusqu’à la capitale provinciale de Guiyang. Opéré par la société Guiyang Low‑Altitude Industry Development Company dans la province du Guizhou, cet essai marque une avancée significative pour la logistique médicale aérienne et la mobilité zéro émission. L’aéronef, de masse maximale au décollage de l’ordre de 2 000 kg (2 tonnes), confirme les progrès réalisés par l’industrie chinoise des eVTOL en matière d’autonomie, de charge utile et de fiabilité opérationnelle. Ce vol jette aussi un éclairage nouveau sur la concurrence entre hélicoptères classiques et nouveaux vecteurs électriques en terrains escarpés.
Le contexte industriel de l’eVTOL en Chine
L’industrie chinoise de la mobilité aérienne basse altitude se structure rapidement. Le secteur dit de la Low Altitude Economy vise à exploiter des espaces aériens inférieurs à 1 000 m d’altitude pour des usages de logistique, transport urbain et secours. Plusieurs acteurs chinois affirment déjà détenir environ 70 % des brevets mondiaux dans le domaine des eVTOL.
Parmi ces acteurs, l’avionneur AutoFlight a livré un modèle cargo certifié de 2 tonnes, le CarryAll V2000CG, qui revendique une autonomie de 200 km et une capacité utile de 400 kg. Ces réalisations soulignent que la Chine ne se contente plus de prototypes : elle entre dans une phase d’industrialisation et de déploiement commercial. Pour les hélicoptères traditionnels, cette montée en puissance des eVTOL représente un vrai défi, notamment en logistique médicale ou dans des terrains difficiles.
Pour le secteur de la logistique et du secours, cette phase est cruciale. Les zones montagneuses, isolées ou à infrastructure routière limitée sont des cibles évidentes. La réussite du vol de 118 km en terrain montagnard devient alors le vecteur d’un nouveau cas d’usage : un eVTOL capable de relier deux points éloignés, sans piste, en un temps court.
Les caractéristiques opérationnelles de l’essai
L’essai en question a été réalisé le 22 novembre 2025 selon les communiqués, avec un eVTOL développé et opéré en Chine, piloté par la société Guiyang Low-Altitude Industry Development Company. Voici les points clés :
- Distance parcourue : 118 km entre un comté de Guizhou et la ville de Guiyang.
- Durée de vol : 40 minutes environ.
- Mission : transport de médicaments d’urgence (et de produits agricoles locaux dans certains médias) depuis un point isolé vers le centre provincial.
- Type d’aéronef : eVTOL de masse maximale au décollage d’environ 2 tonnes, entièrement électrique, capable de décollage et d’atterrissage verticaux, sans piste.
- Terrain : zone montagneuse de la province de Guizhou, donc nécessitant un profil de vol flexible et une logistique adaptée.
Ces paramètres montrent une performance opérationnelle notable. Effectuer 118 km en 40 minutes impose une vitesse moyenne d’environ 177 km/h si on simplifie – ce qui dépasse de loin les vitesses typiques des hélicoptères légers en mission d’urgence dans des terrains difficiles. La charge utile, bien que non précisément détaillée pour ce vol, est significative pour un appareil de ce tonnage.
L’impact sur la logistique médicale et les opérations de secours
Le transport de médicaments d’urgence est un usage stratégique pour lequel rapidité, flexibilité et accessibilité sont primordiales. Dans les zones montagneuses comme Guizhou, les routes peuvent être sinueuses, congestionnées ou bloquées par des conditions météo/hivernales. En comparant, le temps de transport routier sur une distance comparable pourrait dépasser largement l’heure, voire plusieurs heures dans certaines configurations.
Avec l’eVTOL, plusieurs gains se dégagent :
- Le décollage et l’atterrissage verticaux éliminent le besoin de piste ou de voie dédiée.
- La vitesse plus élevée réduit le temps de transit et donc augmente les chances de survie pour les patients urgents ou d’efficacité pour la livraison.
- L’émission zéro sur site et le bruit réduit sont des atouts en milieu urbain ou protégé.
- La flexibilité géographique – zone montagneuse, isolée – devient un atout.
L’essai prouve qu’un eVTOL peut relier en une seule mission deux points séparés de plus de 100 km, ce qui place cette catégorie d’aéronefs en concurrence directe avec des hélicoptères intermédiaires. Pour les services d’évacuation sanitaire, par exemple, la capacité à voler 118 km sans escale élargit la zone d’intervention. De plus, la réduction des coûts d’exploitation supposés (électricité vs carburant hélico) et des besoins d’infrastructure ouvrent un nouveau modèle de réseau de secours aérien.
Cela ouvre aussi la voie à des liaisons régulières de type « cargo médical ou sang/organes » entre hôpitaux secondaires et centres urbains sans dépendre de routes. Le type de vol testé pourrait devenir une liaison matin-soir, avec un eVTOL livré à une base locale, recharge rapide, puis retour. La réussite de cette mission marque un jalon pour l’industrialisation de ce modèle de logistique aérienne.
Les défis techniques et réglementaires encore à franchir
Malgré cette avancée, plusieurs défis majeurs persistent avant un déploiement commercial à large échelle pour les eVTOL dans la logistique ou le transport de passagers.
Autonomie et gestion de l’énergie
Même si l’appareil a parcouru 118 km, cela reste un test ponctuel. Pour un service régulier, il faudra garantir non seulement la capacité de vol, mais aussi la recharge rapide, la redondance en cas de panne, et la gestion de batteries dans des zones reculées. Le modèle pourra devoir assurer des missions avec marges de sécurité, vent, météo, etc. Les acteurs chinois affichent des autonomies typiques de 200 km dans certains modèles de 2 tonnes.
Charge utile et modularité
Transporter des médicaments d’urgence est une mission de faible ou moyenne charge. Pour remplacer un hélicoptère standard, l’appareil devra pouvoir transporter des charges plus lourdes, ou bien des passagers plus nombreux, ce qui augmente les exigences. Le modèle testé n’a pas encore annoncé de capacité passagers dans ce cas précis.
Certification et sécurité
Le cadre réglementaire doit encore évoluer. Obtenir les certificats de type, de production et d’aptitude à la navigabilité sont des étapes longues. En Chine, certains modèles de 2 tonnes ont déjà obtenu ces trois certificats (TC, PC, AC) selon les annonces. Mais la certification pour opérations régulières, du transport de passagers ou de fret, exige aussi des infrastructures, des procédures, des normes opérationnelles.
Infrastructure de vertiports et réseau
Pour que ce type d’eVTOL change la donne logistique, il faudra des vertiports de proximité, des bases de recharge rapide, des autorisations de vol dans de nombreux espaces aériens. Le développement d’un réseau dans des zones montagneuses est difficile : il faut tenir compte des conditions météo, des reliefs, de la gestion du trafic. L’essai reste ponctuel, mais la chaîne complète « aéronef + infrastructure » doit être pensée.
Acceptabilité et coûts
Même si les eVTOL promettent des coûts d’exploitation réduits, il faudra démontrer que ce modèle est rentable face à l’hélicoptère ou aux navettes terrestres. L’acceptabilité publique, bruit, sécurité, doivent être gérés. En terrain difficile, toute panne aura des conséquences, donc la fiabilité est essentielle.
La comparaison avec les hélicoptères traditionnels
Pour mieux mesurer l’intérêt du test, il convient de comparer aux hélicoptères classiques.
Prenons un hélicoptère moyen de transport sanitaire ou logistique, capable de voler à ~200 km/h sur 100 km. Les temps de décollage/atterrissage, préparation, escale peuvent prolonger la mission. Le coût horaire est élevé, carburant + maintenance + pilotes spécialisés. Le bruit et les émissions sont également des freins dans certaines zones urbaines ou sensibles.
Le test eVTOL présente les avantages suivants :
- Temps de réaction potentiellement plus court (moins de besoin d’infrastructure sol).
- Moins dépendant des routes ou des conditions terrestres.
- Moins de bruit, moins d’émissions (électrique).
- Moins d’entretien (variable selon maturité).
Cependant, les hélicoptères ont des charges utiles plus importantes dans de nombreux cas, une endurance souvent plus élevée, une infrastructure déjà installée et des procédures éprouvées. Il ne s’agit donc pas de remplacer immédiatement tous les hélicoptères, mais de cibler des niches où les eVTOL sont plus efficaces : terrains difficiles, transport léger urgent, logistique “dernier kilomètre aérien”. En atteignant 118 km, l’eVTOL chinois franchit une frontière tangible entre “prototype local” et “acteur logistique réel”.
Les implications pour le futur de la mobilité aérienne électrique
Cette réussite marque un tournant. Elle confirme que les eVTOL ne sont pas seulement des concepts urbains de taxi volant, mais qu’ils peuvent être des outils logistiques. Transporter des médicaments d’urgence sur 118 km dans des zones montagneuses ouvre un marché important : secours, santé, ravitaillement, îles, zones isolées.
Pour les acteurs publics et privés, plusieurs leçons s’imposent :
- Investir simultanément dans l’aéronef, l’infrastructure et les opérations : l’un sans l’autre ne suffit pas.
- Penser la flotte et la maintenance dès maintenant : la fiabilité reste la clé.
- Définir des scénarios réalistes : ce vol est un cas de démonstration, mais passer à des liaisons régulières demande une industrialisation.
- Une réflexion sur les coûts, la tarification et le modèle économique doit accompagner. Le test sur 118 km pose la question : quelle distance maximale rentable ? Quelles charges ? Quelle fréquence ?
- Enfin, la concurrence s’intensifie : les eVTOL chinois ont un retard technologique sur certains aspects mais pris une avance réglementaire et opérationnelle. Cela impose aux acteurs internationaux de réagir.
Pour les hélicoptères, ce nouveau modèle n’est pas encore une menace généralisée mais certainement un concurrent sur certains segments. L’avenir pourrait voir des hélicoptères hybrides électriques ou des flottes mixtes avec eVTOL pour certaines missions.
Ce vol de 118 km représente donc plus qu’un exploit technique : il préfigure un futur de logistique aérienne plus agile, plus verte et potentiellement plus économique dans des contextes difficiles. Le prochain défi sera de passer du vol isolé à la répétition opérationnelle, à l’intégration dans un réseau, à la rentabilité. Le moment est venu de considérer que l’eVTOL est bien plus qu’un rêve de taxi volant : c’est un acteur concret de la mobilité aérienne.
HELICOLAND est le spécialiste de l’hélicoptère.
